Contrairement à l'Algérie ou au Maroc, la Libye ne possède pas de journaux indépendants. Elle n'a pas non plus de chaînes de télévision privées. L'Etat garde un œil sur presque tout ce qui s'écrit et se regarde. Presque, parce que le verrouillage imposé au secteur des médias en général n'est pas totalement hermétique. C'est ainsi qu'à la différence de la Tunisie, l'internet n'est pas censuré au pays du colonel El Kadhafi, pays que beaucoup de gouvernements occidentaux ont souvent tendance à présenter comme un clone de la Corée du Nord. Un peu comme en Algérie et au Maroc, les cybercafés ont proliféré dans les grandes villes libyennes. A Tripoli, il est possible d'en trouver un à chaque coin de rue. Ceux-ci restent ouverts presque H24. Les Libyens, tous âges confondus, profitent à l'excès de cette brèche. Si la télévision publique reste encore la chasse gardée des « comités populaires », rien n'empêche les Libyens de se doter d'une parabole, en vente libre, et de suivre les chaînes arabes, américaines ou britanniques (en plus de l'arabe, beaucoup de Libyens parlent l'anglais et l'italien). Le fait de ne pas suivre la télévision gouvernementale n'est pas perçu comme un sacrilège. Si pratiquement sur le toit de chaque maison il y a une parabole, les écrans de télévision qui « ornent » les coins des grandes cafétérias de Tripoli sont le plus clair du temps branchées sur Al Jazeera, la star des chaînes arabes. En outre, il se révèle que les Libyens sont de véritables « téléphages ». Il est rare en effet de trouver un commerce qui n'a pas un petit écran « dissimulé » quelque part. Ils sont également friands de la presse people libanaise, disponible abondamment d'ailleurs. Quoi qu'il en soit, l'Etat libyen ne devrait pas conserver pour longtemps le monopole sur les médias, puisque le fils du colonel El Kadhafi, Seïf-eddine El Islam, a pour projet de créer des journaux et des télévisions privées. A ce propos, il n'est pas à exclure que l'Algérie soit le dernier pays du Maghreb à autoriser la création de chaînes de télévision privées. Quant aux autres libertés, la Libye n'est certes pas l'Espagne, la France ou même le Mali, pays africain qui a pris une sérieuse longueur d'avance en matière de démocratie, mais contrairement à ce qu'on pourrait s'attendre, les « gardiens » de la révolution menée par le lieutenant El Kadhafi et une poignée d'autres militaires le 1er septembre 1969 pour en finir avec le régime monarchique ne font pas la loi dans la vie de tous les jours. Aussi, il ne règne pas dans les villes libyennes une atmosphère de polar où la police politique de Kadhafi tiendrait en respect tout le monde et imposerait un climat de terreur et de suspicion. Non seulement la vie à Tripoli est agréable (du moins de l'avis des touristes), mais les Libyens ne se voient pas imposer dès les premières heures de la journée des discours fleuves de leur guide, un peu comme le faisait Fidel Castro à Cuba. Ce n'est pas du tout cela. A part la présence de certains de ses posters géants, placardés en certains endroits « stratégiques » de Tripoli, El Kadhafi est presque absent de la vie quotidienne des Libyens. Cela ne signifie pas cependant que les Libyens ont le droit à la critique et que la liberté d'expression est consacrée. Il n'existe pas de contre-pouvoirs institutionnalisés pour que cela soit possible. Ainsi, il est rare d'entendre un Libyen remettre en cause ouvertement les politiques du régime. Les Tripolitains usent encore beaucoup de la litote lorsqu'ils évoquent des sujets de politique intérieure. A la question de savoir justement s'ils se sentent libres, la majorité des Libyens répond généralement avant de passer vite à autre chose : « El hamdoulillah (Dieu merci), la situation s'est améliorée sur ce plan. » D'autres, plus téméraires, se hasardent quand même à dire : « Ce n'est pas encore tout à fait cela s'agissant de la liberté d'expression » et à reconnaître que « de ce côté-là, les Algériens ont plus de chance ». Un journaliste libyen résumera néanmoins la situation en disant que « la Libye, comme la plupart des Etats arabes, a, pour le moment, instauré un libéralisme sans libertés ». Pour l'heure, le seul à avoir réellement droit à la critique est le colonel El Kadhafi. Il n'y a pas longtemps, il a appelé une nouvelle fois les citoyens honnêtes à créer un parti et à s'y regrouper pour isoler les corrompus du système.