Le constat fait par les Algériens installés en Tunisie sur leurs conditions de vie à la connaissance du secrétaire d'Etat chargé de la communauté nationale à l'étranger, Halim Benattalah, confirme en réalité le déséquilibre existant dans les relations socioéconomiques entre les deux pays voisins. En dehors du secteur énergétique, la balance commerciale est à l'avantage de la Tunisie qui tire profit ces dernières années du marché algérien, avec un nombre de 400 entreprises tunisiennes installées et investies essentiellement dans les services et le commerce. L'état des lieux de la vie quotidienne des algériens en Tunisie relaté à la délégation ministérielle qui a effectué le déplacement récemment est préoccupant. Halim Benattalah qui s'est déplacé sur les lieux a appris que l'accès à la propriété, à l'emploi et aux documents de séjour sont difficiles pour les Algériens. Le transfert d'argent des Algériens travaillant en Tunisie est quasiment impossible, obligeant certains à procéder par des canaux informels. Les touristes algériens qui se rendent en Tunisie par milliers, voire par millions ne sont pas bien pris en charge aux mêmes conditions que les touristes européens ou d'autres nationalités. «Les opérateurs tunisiens pensent que le touriste algérien n'a pas où passer ses vacances. Donc, ils profitent pour imposer des règles spécifiques aux touristes algériens», nous raconte un jeune pharmacien d'Alger, Abdelhak B., qui a séjourné à Hammamet durant la période de juillet. Ce jeune est formel : «Les algériens sont mal traités par les opérateurs tunisiens». Le secrétaire d'Etat chargé de la communauté algérienne à l'étranger a été informé d'autres lacunes rencontrées, telles que l'obtention des cartes de séjour et l'accès à la propriété. Le secrétaire d'Etat était étonné par les témoignages des citoyens algériens affirmant que l'Algérie a respecté les accords de coopération signés avec son voisin tunisien, et parmi les preuves apportées, celle de l'existence d'environ 400 entreprises tunisiennes en Algérie qui procèdent à des transferts de devises sans entraves ni restrictions. Le volume des échanges avec les pays du Maghreb et particulièrement avec la Tunisie a enregistré une augmentation appréciable. Le volume des échanges avec la Tunisie a atteint, en 2009, 1,2 milliard de dollars, alors que le montant était à moins de 500 millions de dollars en 2008. Hors le secteur des hydrocarbures, la balance commerciale est en faveur de la Tunisie. Des accords-cadres de coopération ont été signés par les deux parties, dont on peut citer l'accord de coopération industrielle, l'accord sur l'encouragement et la protection mutuelle des investissements, signé à Tunis le 16 septembre 2006, ainsi que l'accord commercial préférentiel signé à Tunis le 4 décembre 2008. La volonté politique est largement affichée au niveau des deux gouvernements pour consolider des relations exemplaires pouvant contribuer à l'édification d'un Maghreb arabe prospère, sachant que la Tunisie est classée à l'échelle mondiale en matière de compétitivité et d'accueil des IDE, dont les grandes enseignes mondiales. Mais la traduction de cette volonté sur le terrain avec des actes concrets se fait à sens unique. Les tunisiens trouvent même des subterfuges pour investir à titre d'exemple le champ audiovisuel national à travers la chaîne privée Nessma qui capte des recettes du marché publicitaire algérien en procédant à des acrobaties juridiques, alors qu'elle ne possède pas encore un agrément du ministère de la Communication. L'Algérie avait pris la décision de préserver son secteur audiovisuel et d'encourager uniquement la production publique, garante de la cohésion sociale et culturelle du pays. Sur ce plan, les tunisiens veulent faire du forcing pour imposer une certaine production audiovisuelle et parfois avec le recrutement d'acteurs algériens. Les opportunités ne manquent pas Les opportunités ne manquent pas pour faire de la coopération algéro-tunisienne un modèle exemplaire, mais des préalables s'imposent, selon l'analyste et directeur de l'Institut des ressources humaines d'Oran, Mohamed Bahloul, qui a déjà travaillé sur le dossier de la coopération algéro-tunisienne. Ce spécialiste nous renvoie aux chiffres communiqués lundi par le Centre national du registre du commerce (CNRC). Le CNRC a souligné dans son bilan annuel que la majeure partie des commerçants étrangers inscrits au registre du commerce en Algérie sont de nationalité tunisienne (578, soit 32 %). Ce chiffre résume à lui seul la facilité accordée par l'Algérie aux citoyens du pays voisin pour opérer sans entraves. «Nos amis tunisiens doivent permettre la même chose aux Algériens. C'est ainsi que doit être la coopération économique et commerciale. J'attire l'attention de nos autorités sur un point essentiel. Il ne faut pas regarder les relations historiques dans nos rapports avec la Tunisie. Il existe des intérêts actuellement politiques et sociaux à préserver. Les tunisiens ont développé une économie compétitive basée sur le libéralisme. Ils ont accueilli des multinationales qui veulent pénétrer le marché algérien sous l'étiquette tunisienne», nous affirme-t-il, signalant aussi l'ampleur du commerce informel qui s'opère au niveau des frontières algéro-tunisiennes. Le rééquilibrage des relations commerciales est indispensable pour que chaque partie trouve son compte, a tenu à relever l'économiste Bahloul, ajoutant que les rapports de la Banque mondiale sur l'Union maghrébine ont déjà souligné l'apport de la coopération équitable et avec intérêts réciproques. le PIB de pays maghrébins peut augmenter de 3%, équivalant à 12 milliards de dollars par an.