Des lourdes peines de prison ferme ont été requises, la veille de l'Aïd El Adha, contre les jeunes de Benmerzouga qui ont procédé à la fermeture de la route nationale pour exprimer leur ras-le-bol vis-à-vis d'une situation précaire qui n'a que trop duré. La population menace par ailleurs de bloquer la RN5 dès demain. Deux ans, un an et enfin six mois de prison ferme, telles sont les peines qui sont tombées tel un couperet sur la tête des jeunes de Benmerzouga, dont certains n'étaient que de passage le jour de l'émeute. C'est le cas de M. Saïd qui a été acquitté par le tribunal. En revenant à la prison pour récupérer ses affaires, le jeune est retenu ; ses gardiens lui apprennent qu'il est condamné à passer 6 mois dans une cellule. «Nous nous sommes élevés contre l'injustice, et voilà que nous subissons une autre», fulmine Boubekeur, avant que son voisin et frère de l'un des prisonniers ne lui emboîte le pas : «Les pouvoirs publics, au lieu de fortifier la justice, justifient la force. Les commentaires de certains responsables après le verdict, il faut le dire, ont attisé le feu.» «L'Algérie n'est pas la jungle pour fermer la route au moindre coup de tête.» «C'est bien fait pour leurs gueules.» Tels sont les propos tenus par les responsables locaux qui sont censés pourtant être à l'écoute du citoyen et régler les problèmes de ce dernier. L'un des membres du comité de quartier de la cité Benmerzouga s'est dit outré et indigné par les peines «très lourdes» prononcées contre des jeunes, selon lui, qui «se sont élevés pour réclamer du gaz et une route digne des humains, nos jeunes n'ont pas fermé la route par amusement ou pour nuire aux automobilistes qui utilisent cette route connue pour son flux quotidien. Mais la situation est telle que l'ensemble de la cité est privée de gaz de ville depuis des années, malgré le payement des travaux qui ont pourtant commencé, mais à ce jour nous utilisons les bouteilles de gaz butane». Pour rappel, les jeunes condamnés ont manifesté contre ce qu'ils qualifient de «marginalisation» de la part des autorités de la ville de Boudouaou et même de la wilaya de Boumerdès dont ils dépendent. La rue est devenue le seul espace d'expression pour cette population qui vit une précarité criante bien qu'elle soit à quelques kilomètres seulement de la capitale. «Nous avons tenté de faire comprendre aux autorités locales nos problèmes et nos soucis à travers des rapports, des courriers presque mensuels, mais nous n'avons reçu aucune réponse de leur part. Nous avons même dépêché un groupe de sages au niveau de la wilaya pour expliquer notre situation, mais rien n'a été fait. Que voulez-vous qu'on fasse pour faire entendre nos voix ? Il n'y a que la rue que nous allons occuper encore ce dimanche», a soutenu un autre habitant de la cité. «Nos excuses aux automobilistes !» Les habitants de la cité Benmerzouga, qui ont bloqué la route la veille de l'Aïd, regrettent le fait de priver des gens de se rendre chez leurs familles pour passer l'Aïd. " Nous demandons des excuses aux automobilistes qui fréquentent la route qui relie Tizi-Ouzou à Alger, nous sommes désolés pour eux, car ils n'y sont pour rien dans l'histoire. Mais nous espérons qu'ils comprennent notre rage et notre souhait d'une vie meilleure, faite de commodités de base seulement ", a tenu à exprimer un ancien habitant de la cité. Quant aux jeunes de la cité qui semblent décidés à arracher leurs droits, quel que soit le prix à payer, la colère est à son comble : " s'ils veulent prendre tous les jeunes de la cité Benmerzouga qu'ils viennent, mais nous n'abdiquerons jamais ". Il est utile de souligner que, lors de notre premier passage dans la cité Benmerzouga, à Boudouaou, au lendemain des premières émeutes qui ont fini par l'arrestation des jeunes condamnés, aucun changement n'est à signaler. La situation a encore empiré avec les dernières pluies qui se sont abattues sur la région ces derniers jours. Les chemins sont impraticables, les canaux d'irrigation sont bouchés et le raccordement en gaz n'est pas encore effectué. Bien plus, des coupures d'eau sont signalées ici et là à travers la cité. Elles peuvent durer jusqu'à 5 jours d'affilé.