Les relations en matière de pêche entre le Maroc et l'Union européenne se sont nettement tendues durant l'année 2010. L'incertitude augmente de jour en jour quant à la reconduction, dans les mêmes conditions, en mars 2011, de l'accord de pêche UE-Maroc qui rapporte, annuellement, environ 50 millions d'euros à ce pays du Maghreb mais dont l'Union européenne entend revoir certaines clauses. L'enjeu politique pour Rabat Ce n'est pas tant cette somme qui a le plus de sens aux yeux du roi Mohammed VI mais plutôt l'intérêt primordial du Maroc qui voit à travers l'accord de pêche avec les «27» la «preuve» de la reconnaissance de sa «souveraineté» sur le territoire sahraoui. C'est là tout l'enjeu politique de Rabat. Un enjeu contrarié par la société civile et le Parlement européen qui ont mis la pression sur les «27» depuis que la commission juridique de Strasbourg avait constaté, dans le courant de l'année en cours, que cet accord viole la légalité internationale. Le document élaboré par cette commission stipule que l'élargissement de l'accord de pêche au Sahara occidental est l'exploitation illégale des ressources maritimes de ce territoire non autonome. Depuis que le constat juridique a été établi que le Maroc se livre au pillage des richesses maritimes sahraouies, une véritable bataille politique s'est engagée à Strasbourg. Le rapport du Danemark Plus d'une fois, des groupes d'eurodéputés conduits par Willy Meyer, avec le soutien de son compatriote espagnol Raul Romeva et de la Suédoise Isabella Lövin, du groupe des verts, parlant aussi au nom des communistes, des socialistes, des conservateurs et des nationalistes, ont vainement réclamé la suspension de ce controversé accord de pêche. Le poids de la France a toujours pesé dans les débats parlementaires, malgré les appels des pays du nord de l'Europe invitant au respect de la légalité internationale. La Suède et le Danemark avaient en leur temps ordonné déjà à leurs entreprises de cesser toute activité économique au Sahara occidental tant que ce territoire restera sous occupation étrangère. En décembre 2009, c'est encore le Danemark qui a élaboré un document en fixant les nouvelles conditions que les «27» doivent poser au renouvellement de l'accord de pêche UE-Maroc qui parviendra à expiration en mars 2011. La principale clause prévoit d'exclure explicitement le Sahara occidental du champ d'application de cet accord autour duquel les négociations sont au point mort. Les intérêts de l'Espagne La correspondante de l'agence espagnole Efe à Bruxelles estimait, il y a encore une semaine, qu'aucun indice ne vient confirmer le moindre progrès dans les négociations engagées à cette fin entre les deux parties depuis de longs mois. Pourtant, l'Espagne a multiplié les démarches auprès de ses pairs pour que soit évitée une telle clause. C'est, en effet, le premier bénéficiaire de l'accord de pêche puisque 100 sur les 119 chalutiers européens qui ont obtenu de Rabat une licence de pêche sont de nationalité espagnole. Avec l'appui de la France, l'Espagne a déjà obtenu du conseil d'association UE-Maroc qui s'est réuni le 13 décembre dernier, d'évacuer des débats la question gênante pour Rabat des violations des droits de l'homme au Sahara occidental qui a fait suite, notamment, au démantèlement brutal du camp de Gdein Izik, le 8 novembre dernier. Il se trouve que cette forme de protestation pacifique, que les autorités marocaines avaient présentée, au départ, de manifestation à «caractère strictement social», a un lien direct avec le pillage des richesses sahraouies par le Maroc. Protestations internationales Peu embarrassé, en outre, par les avertissements des Nations unies rappelant que ce territoire est classé non autonome, qui n'est donc pas sous souveraineté du Maroc, le gouvernement espagnol a fait encore la sourde oreille aux multiples rappels à l'ordre de l'organisation civile britannique «Resource Watch» qui s'est élevée, plusieurs fois en 2010, à la fois contre le refus de Rabat d'autoriser une mission d'enquête parlementaire européenne au Sahara et contre l'attitude des gouvernements européens – à leur tête le gouvernement Zapatero – de prendre part au pillage des ressources naturelles sahraouies. Ce n'est pas par hasard, d'ailleurs, que le président Mohamed Abdelaziz avait choisi la région espagnole de Castilla y León dont il était l'invité officielle, en septembre dernier, pour lancer un appel à la communauté internationale l'invitant à engager des «sanctions économiques» contre le Maroc afin d'obliger cette puissance d'occupation du Sahara occidental à «respecter la légalité internationale et à cesser de piller et de puiser les richesses naturelles sahraouies». Fin de non-recevoir Un nombre important de parlementaires européens ont depuis répondu à cet appel en plaidant pour «l'annulation de tous les accords injustes et illégaux s'appliquant aux territoires occupés» de l'ancienne colonie espagnole, dont l'accord de pêche UE-Maroc. Harcelée par les associations civiles et les parlementaires, la commission européenne a dû réserver sa réponse aux démarches de Rabat en vue du renouvellement dudit accord de pêche. La CE a exigé, au début de l'année, une enquête sur place concernant la mise en application de l'accord de pêche, une initiative à laquelle le gouvernement, fort de l'appui franco-espagnol, n'a pas daigné répondre. Mieux, au groupe d'eurodéputés désigné par le Parlement européen avec pour mission de vérifier si l'accord de pêche, signé en 2007 entre Rabat et Bruxelles, était légal et son produit profite ou non aux populations sahraouies, les autorités marocaines ont fait savoir qu'il n'était pas le bienvenu au Sahara occidental.