De la mélancolie et de la panique. Ce sont là les ressentiments les plus manifestes que l'on pouvait lire sur les visages des familles des marins du vraquier Blida, détourné dans l'après-midi de samedi par des pirates somaliens au large d'Oman. Depuis le détournement du navire, aucune nouvelle sur le sort de l'équipage n'est encore disponible. C'est la psychose qui s'installe du côté des proches qui étaient nombreux à se rendre hier matin au siège de l'entreprise IBC. «C'est par le biais de la presse que j'ai été informé du détournement du bateau Blida. Par la suite, un employé d'IBC nous a contactés pour nous demander de nous rendre aujourd'hui (ndlr, hier) au siège de la société», nous dit d'une voix haletante Mme K. Baya, mère d'un marin otage des pirates somaliens. Il s'agit d'une octogénaire qui nous informe en outre que depuis qu'elle a été informée du détournement du Blida, elle n'a pas fermé l'œil, priant que son fils revienne sain et sauf à la maison. Mme K. Baya nous déclare aussi que son fils, K. S., fêtera ses 60 ans le 9 janvier. A son sujet, cette mère au bout du désespoir a ajouté : «Il est marin depuis plus d'une trentaine d'années. Il devait prendre sa retraite mais ses responsables l'ont retenu. C'est un ancien et de par son expérience, on a besoin de lui pour encadrer les jeunes recrues», nous confie la vieille dame avant de s'effondrer en larmes. «Je suis là pour presser l'entreprise IBC pour qu'elle paye la rançon et afin que mon fils rentre à la maison. Quatre jours de captivité, c'est déjà trop», ajoute-t-elle rageusement. La vieille dame n'a pu par la suite accéder à l'intérieur du siège de l'IBC. Ses deux filles et sa bru (la femme du marin pris en otage) qui venaient de sortir d'une réunion avec les responsables de l'entreprise l'ont dissuadée de le faire. Elles aussi paraissaient abattues quoique, disaient-elles, la société IBC a tenu de les rassurer en leur affirmant, entre autres, que depuis le début des actes de piraterie, il n'y a pas eu d'atteinte à la vie des personnes prises en otage. «Le plus grand problème auquel nous sommes confrontés est plutôt la manière avec laquelle nous devons gérer le temps que prendra cette prise d'otages», nous confie, les larmes aux yeux, une des filles de Mme K. Baya. «Nous avons appris la nouvelle par le biais des journaux» La quasi-majorité de proches des 17 marins algériens otages de pirates somaliens nous ont affirmé hier qu'ils ont appris la nouvelle du détournement du vraquier Blida dimanche en lisant les journaux. Parmi ces derniers, M. M., frère d'un marin captif. En dépit de notre insistance, il s'est juste contenté de nous donner ses initiales, indiquant que «c'est à l'Etat algérien d'engager les négociations avec les pirates somaliens». A propos de son frère, il ajoutera, optimiste, que connaissant sa force de caractère, «il saura certainement surmonter cette difficulté». Pendant qu'il étalait ses propos, un marin qui se tenait à côté prêtait attention à la discussion. Il intervient pour dire que «les marins algériens ont pour la plupart d'entre eux effectué des stages où ils ont étudié minutieusement les détails afférent à une situation de prise d'otages par des pirates en pleine mer. «Ce qui est plus ou moins rassurant», renchérit M. M. Questionné au sujet l'entrevue qu'il a eue avec les responsables d'IBC, notre interlocuteur a indiqué que les gestionnaires de cette entreprise ont pris leurs numéros de téléphone en leur formulant la promesse de prendre en charge toutes les familles des marins pris en otage. Défaillance du système d'autodéfense contre la piraterie Des marins rencontrés hier devant le siège de l'IBC nous apprennent que la majorité des bateaux algériens, notamment ceux affectés au transport de marchandises, ne sont pas équipés en système d'autodéfense contre les actes de piraterie. «Les pirates somaliens disposent d'un arsenal comprenant entre autres des lance-roquettes de type RPG 7», nous confie-t-on. D'autres proches des marins du Blida que nous avons tenté d'apostropher se sont abstenus du moindre commentaire. «On n'a rien à vous déclarer, il n'y a rien de nouveau», nous dit l'un d'eux. Un autre renchérit : «On a reçu des instructions de ne pas parler à la presse.» Il y a lieu de souligner que les familles qui ont refusé de s'exprimer sont très remontées contre un journal arabophone qui a publié dans son édition de dimanche la liste nominative des 17 marins pris en otage. «C'est une affaire très sensible et la publication de cette liste pourrait avoir des conséquences gravissimes. L'on se demande comment ce journal a obtenu la liste et pour quels desseins il l'a publiée ?», s'interroge-t-on.