Victime du terrorisme, Mohamed Mekati a été assassiné en fin de journée, devant son domicile à Aïn Naâdja, à Alger. C'était le mardi 9 janvier 1996. Huit ans après sa brutale disparition, son absence continue toujours de susciter une immense émotion auprès de ses parents, ses proches amis et ses collègues. Journaliste et chef de la rubrique internationale du quotidien El Moudjahid, Mohamed Mekati, homme de valeur, aura eu une vie bien remplie, loin des feux de la rampe. Le formidable Moh Né en 1957, Moh adorait Alger qui l'a vu naître et grandir. Il connaissait «bled Sidi Abderrahmane» dans ses moindres recoins. A l'instar de beaucoup d'Algériens, il jouait régulièrement au football avec «ouled el houma» et était un fervent supporter du club du Chabab de Belouizdad. Il a fréquenté les lycées Emir Abdelkader et Okba de Bab El Oued. Mohamed détestait les stéréotypes, les clichés faciles, l'hypocrisie et la servilité. Il tenait ses principes de l'éducation de ses parents, très tatillons sur les valeurs morales et sociétales. C'était une véritable «machine à initiatives». Au lycée, entre 1974 et 1978, il s'engouffre corps et âme dans les activités culturelles et sportives du lycée Emir Abdelkader. Il entraînera dans son sillage bien des lycéens, heureux de contribuer à la revue ou aux réunions des anciens lycéens de l'établissement. Messieurs Abina, Benmedjber ou Benabed, surveillants généraux en cette époque, doivent garder de fabuleux souvenirs de cette période à jamais révolue. Ainsi va la vie. Sa longiligne silhouette aidant, il était l'ami de tous ceux qui fréquentent les quartiers Sacré cœur, Meissonnier, Abane Ramdane : des chômeurs, des garçons de café, des personnes âgées, etc. Une popularité forgée par le temps et, surtout, par sa conduite. Il était également le premier à organiser des matchs de football ou jubilé à la mémoire d'un ami disparu. Entre amis, Mohamed ne ratait pas l'occasion ou l'événement du moment pour rendre visite à un ami ou copain, à un malade ou a un appelé. Surprendre son monde était son point faible. Ainsi était Moh. Après avoir décroché son bac en 1978, il entamera des études universitaires en relations internationales. Avant et durant sa formation universitaire, il fit un bref passage dans l'administration de l'Etablissement national pour l'exploitation météorologique et aéronautique de l'époque puis enseigna la langue française au lycée Omar Racim d'Alger. Il fit ensuite ses débuts dans le journalisme, à la rubrique nationale du quotidien El Moudjahid. Durant son service national en 1986, il eut l'opportunité d'intégrer la cellule de presse de la présidence de la République. L'homme est resté le même. Bon vivant, d'une jovialité débordante, Moh - comme l'appelaient ses amis intimes - était toujours prêt à tendre une main secourable aux proches ou confrères, disponible pour soutenir et prêter assistance aux gens. Son éducation et sa droiture soulevaient l'admiration de ses amis, voisins et collègues. Les personnes âgées raffolaient de sa présence tellement il excellait dans l'art de converser avec elles. Un véritable bain de jouvence pour elles ! Respectueux d'autrui comme de lui-même, Moh était un homme de grande valeur. Mohamed, le journaliste A l'issue de son service national, il réintégrera l'équipe rédactionnelle du journal El Moudjahid. Malgré son jeune âge, Mohamed n'eut pas de complexe de côtoyer ceux que l'on considérait à l'époque comme les plus belles plumes du pays. Pour la mémoire. Les conseils, les critiques ou les remarques des professionnels de l'époque qu'étaient Noureddine Naït Mazi, Mohamed Abderrahmani, Ferhat Cherkit, Djamel Benzaghou et autres lui furent d'un grand apport et constitueront le véritable tournant dans sa vie professionnelle. Le journalisme était toute sa vie. Ainsi aimait-il les maquettes, les copies et particulièrement l'ambiance qui régnait au siège du journal El Moudjahid, rue de la Liberté. Une autre qualité reconnue par ses pairs : il était toujours disponible pour conseiller, encourager et encadrer convenablement les étudiants en sciences de l'information, stagiaires ou débutants dans le métier de journaliste. Ainsi, il aura aidé les nouvelles plumes et favorisé l'éclosion de jeunes journalistes. Sous sa direction, la rubrique internationale du journal, surtout son supplément hebdomadaire, avait recueilli un large écho aussi bien auprès des diplomates nationaux et étrangers que du lectorat. Les massacres de Bosnie Herzégovine et du Rwanda, la famine en Somalie, enfin tous les événements de l'époque ne le laissaient pas indifférents. Il leur consacrait quotidiennement des articles et se préoccupait de ce monde fait de génocides programmés, de catastrophes, ce monde où des peuples sont réduits à l'exil, à la famine et à subir des embargos. Cet engouement pour la défense des nobles causes était sa manière de dénoncer l'ignominie qui faisait rage dans certains points chauds de la planète. L'assassinat de ses proches collègues comme M. Abderrahmani, F. Cherkit, D. Benzaghou, H. Benaouda, D. Bouchibi, B. Gueroui, A. Harrouche, M. Bellache et autres amis de la corporation n'entameront en rien sa volonté, son désir de défendre les intérêts du journal et de reprendre le flambeau. C'était sa manière de sauvegarder la mémoire de ses martyrs de la plume. Chaque jour, avant le bouclage du quotidien, il veillait personnellement à la recherche ou à la reformulation des titres d'articles relevant de la rubrique internationale dont il assurait la direction. En un mot, il incarnait parfaitement la parole de Balzac : «Les qualités du journaliste : le brillant et la soudaineté de la pensée.» Dès qu'un article lui semblait mal conçu ou inachevé, il n'hésitait pas à faire l'impasse sur ses affaires et préoccupations quotidiennes, parfois même ses obligations familiales pour réécrire d'une traite la prose inachevée : une preuve tangible de la grande aisance de plume de Mohamed que reconnaissent ses collègues. Durant sa carrière de journaliste, il consacra des articles à des anonymes qui subissaient les aléas de la vie, aux humbles. C'est à cet homme juste que je rends hommage aujourd'hui. Je reste persuadé que nombreux parmi les lecteurs se remémoreront la profondeur, l'humanisme, l'empathie qui caractérisaient Mohamed Mekati. Voilà très brièvement exprimée les sentiments que je porte à un ami, un frère que j'ai accompagné 22 années durant. Salut Moh, je t'aperçois du cimetière de Garidi où tu reposes en paix. Tu me fais un clin d'œil d'un homme content que sa courte vie n'ait pas été vaine.