«Je suis un ancien officier de l'école pratique interarmes de l'armée tunisienne et j'ai passé 21 ans en prison pour la seule raison que je faisais la prière», nous dira Saïd Ahmed Youssef, rencontré à Tunis. «A l'époque, j'étais âgé de 24 ans, aujourd'hui, j'en ai 50 et cela fait deux années que je suis marié, avec, maintenant, un enfant de deux ans», ajoute ce militant d'Ennahda. «Le régime de Zine El Abidine Ben Ali n'aimait pas l'Algérie, il faisait dans l'hypocrisie», lance-t-il, commentant l'interdiction faite du temps du président déchu aux algériens, entre autres, d'accéder à l'acte de propriété de biens immobiliers et au travail». Cet ancien officier de l'armée tunisienne, amoureux de son pays, sincère et qui nous dira qu'il «souhaite tout le bien à l'Algérie et son peuple», n'est pas la seule victime de cette atteinte à la liberté du culte enregistrée du temps de Zine El Abidine Ben Ali. Dans un rapport établi par la zone de sûreté nationale de Benkerdane, relevant de la direction générale de la sûreté nationale tunisienne, référencié sous le numéro 83/M, datant de 2009, dont une copie nous a été remise par un opposant tunisien, la surveillance secrète, du temps de Zine El Abidine Ben Ali, d'éléments de la police pour connaître leurs habitudes religieuses, est bien illustrée.Le document est établi dans le cadre du «rapport hebdomadaire» de cette surveillance secrète, est-il noté. Ce rapport est un compte rendu sur une surveillance secrète ciblant un officier de la police et un autre élément de cette institution par «l'équipe spécialisée dans la surveillance des agents» de la police tunisienne. C'est ainsi que dans le rapport concernant la première semaine du mois de juin 2009, l'équipe spécialisée dans la surveillance de membres de la police tunisienne écrit que l'un des deux éléments ciblés par cette filature «fréquente la mosquée Sidi Abdelkader pour l'accomplissement de la prière du Maghreb, en dehors des horaires du travail», et que l'autre «accomplissait ses devoirs religieux chez lui». Par ailleurs, un lycéen de Tunis, rencontré dans la capitale tunisienne la semaine dernière au cours d'une marche, a dénoncé l'«interdiction faite aux lycéennes portant le voile d'accéder au lycée». «A nos frères algériens» De nombreux tunisiens que nous avons rencontrés lors de marches pacifiques à Tunis ont tenu à lancer des messages aux algériens. «Nous avons besoin de vous pour bâtir un Maghreb arabe uni et indépendant et, pour ce faire, il faut que vous preniez soin de votre pays, éviter le recours à la violence et consolider les efforts consentis en Algérie». Abdelhafid Abid, membre du bureau politique du forum démocratique pour le travail et les libertés, parti tunisien d'opposition, rencontré à Tunis, nous dira que «les algériens, tunisiens et tous les peuples de la région du Maghreb arabe ont un grand rôle à jouer pour un Maghreb arabe qui soit indépendant des ingérences étrangères et s'imposant comme force réelle». D'autres tunisiens, rencontrés sur place, invitent les algériens à «rejeter le terrorisme qui détruit le pays» et à «participer à l'édification du pays par le travail et le patriotisme que nous leur connaissons». «Vous, en Algérie, avez une liberté d'expression réelle, et une démocratie dont nous avons, de nombreuses années durant, été privées du temps de Zine El Abidine Ben Ali», ajoutent d'autres tunisiens pour signifier que «la situation est différente entre l'Algérie d'aujourd'hui et le régime du président tunisien déchu». «En Tunisie, le régime de Zine El Abidine Ben Ali nous a privés de la liberté de culte, pas comme vous, en Algérie, où la pratique de la religion n'est pas réprimée», lancent-ils, illustrant leurs propos par l'exemple qu'«en Tunisie, les mosquées ferment dès l'accomplissement de la prière, tandis qu'en Algérie, les fidèles ne font pas face à la même contrainte et interdiction».