Billel de Rouiba comparaît à Koléa (cour de Blida). Il comparaît pour menaces à l'arme blanche. Et c'est puni par l'article 284 du code pénal. Billel a un avocat qui est pris ailleurs. C'est le jeune maître Farouk Mechiguel qui le remplace. Comme quoi, un jeune en robe noire qui défend un dossier devant hadj Barik est bien parti pour être écouté, entendu et servi royalement. Et maître Mechiguel a bien remplacé maître Saïd Dadache qui n'aurait pas fait mieux ! Plaidant simplement, le jeune défenseur a surtout rappelé le témoignage à la barre de la victime qui a été plus que correcte, en racontant par exemple que les menaces avaient été faites sans que la victime ait enfoncé le clou en ajoutant qu'elle ne lui avait rien fait. Et Billel lui-même, les affres de la détention préventive l'ayant ébranlé, a dit sans rigoler qu'il avait tout simplement perdu la tête, qu'il regrettait son geste fou et qu'il était prêt à rendre compte à la justice... Billel est debout à la barre. Il a les mains derrière le dos. Il suit le président qui avait bien fait de reprendre les faits. De la tête, le détenu acquiesce. D'ailleurs, tout le temps qu'aura duré le procès, il n'a fait qu'acquiescer. Il n'avait pas le choix d'ailleurs, dans la mesure où la victime lui avait placé des balises, donc il ne pouvait rien nier. Et la victime a su raconter les faits. Il a décortiqué le délit. Il a crié sa douleur, son désespoir d'avoir vécu une telle hogra. Il a dit : - «Je ne lui avais rien fait. Absolument rien. Il a brandi le couteau, alors j'ai eu peur. J'ai commencé à suer. J'ai même eu l'impression d'avoir fait dans mon froc. C'était une situation insupportable. Je demande réparation et je...» - «Mais pourquoi donc ces menaces ? Qu'y a-t-il donc entre vous ? Dites un peu au tribunal...», dit le juge. Et c'est Billel qui va alors entrer dans un petit monologue gris, triste, plein de remords. - «J'ai perdu la tête tout à coup. J'avais des problèmes. Je suis désolé. Mais en me comportant de la sorte, je me suis encore créé plus de problèmes. Surtout qu'on est venu m'informer que Ali R., la victime, avait déposé plainte à mon encontre, j'avais même eu une insomnie.» - «Mais alors pourquoi au tout début vous aviez nié ? Et aujourd'hui vous êtes revenu à de meilleurs sentiments ? Alors, que s'est-il passé entre-temps ?» - «Oui, monsieur le président. Vous avez raison. La détention préventive est un enfer. Et puis à la barre, c'est un autre monde. Lorsqu'on entre ici, on change du tout au tout...» - «Eh bien bravo ! On a appris des choses avec vous !», plaisante hadj Rabah Barik, le président qui prend acte des deux ans d'emprisonnement ferme et de l'amende demandés par Malek Drissi, le représentant du ministère public. Maître Farouk Mechiguel, l'avocat de Billel, va alors entrer sur le «ring» et aller droit au fait que le détenu a menacé certes mais «en silence» : «Il n'a pas proféré de menaces verbales. Il n'y avait pas de témoin. Certes, il a reconnu avoir brandi le poignard et seulement brandi. Il n'y a rien d'autre. Il mérite les circonstances atténuantes. Prenez-lui la main.» L'avocat avait auparavant éclaté de rire lorsque la victime avait balancé : «Je demande les dommages que le tribunal doit arrêter.» - «Non, non, c'est à vous de fixer le montant», rectifie le président qui sera presque heureux d'entendre la victime demander six millions de centimes pour trois gouttes de sueur, une sueur née de la peur à la vue de la lame qui scintillait. Après une courte mise en examen, Billel est condamné à une peine de prison de six mois assortie de sursis, histoire de comprendre qu'on ne peut menacer impunément quiconque.