Happy end dans une affaire de vol de deux tonnes de fer qui a vu la victime récupérer son bien... tant bien que mal. L'austère avocat, maître Mohamed Hammad, a eu la présence d'esprit en défendant Rabah K., inculpé tout comme Rafik R. de vol de deux tonnes de fer (6 mm), de parler du côté pédagogique de l'affaire, car les deux jeunes détenus n'ont jamais bossé chez la victime qui a finalement récupéré son bien. La présidente de section, facile d'aborder l'article 350 du code pénal, un article qui dispose que «quiconque soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas est coupable de vol et puni d'un emprisonnement d'un (1) an à cinq (5) ans et d'une amende de cent mille à cinq cent mille dinars. La même peine est applicable à la soustraction frauduleuse d'eau, de gaz et d'électricité. Le coupable peut en outre être frappé pour un (1) an au moins et cinq (5) ans au plus de l'interdiction d'un ou de plusieurs des droits mentionnés à l'article 9 bis 1 et d'interdiction de séjour dans les conditions prévues aux articles 12 et 13 de la présente loi. La tentative du délit prévu à l'alinéa précédent est punie des mêmes peines que l'infraction consommée». C'est net, clair et précis comme article de loi, et plusieurs magistrats l'appliquent sans battre des cils ni rechigner à la besogne juste pour lutter contre ce fléau qui est le vol. Il y a de jeunes poursuivis pour vol qui dégagent une telle sympathie que l'on est tenté en leur faveur, n'étaient ces sacro-saintes procédures. Une telle sympathie n'est certes pas physique, mais morale. A les entendre cracher le morceau avec force détails, se mettre à table aisément, raconter dans les moindres détails leurs méfaits, on ne peut que leur souhaiter une peine légère, contrairement aux «têtes dures», ceux qui croient se jouer de la société qu'ils ont blessée à un moment ou un autre, par le saut dans le ravin des délits et crimes détestables, exécrables et déplorables. Rafik R. n'emprunte pas une route rocailleuse : «C'est moi le voleur du fer. Rabah, je l'ai rencontré en cours de route. Il n'était pas avec moi», lâche-t-il au grand bonheur de maître Mohammed Hammad, le conseil de Rabah. «Oui, c'est bien tout ça», coupe magistralement sans sourire la juge. «Dites-nous plutôt comment vous aviez procédé pour voler deux tonnes de fer ?» Le «gosse» hausse les épaules, bombe le torse et dit en souriant presque : «Je me suis servi d'une charrette pardi ! C'était facile. C'est pas la lune à décrocher.» Le tout jeté dans une ambiance bon enfant car ce mardi après-midi, c'était le bon moment pour bosser dans d'excellentes conditions. La présidente s'accroche et cherche à savoir si les deux avaient planifié leur coup d'essai. «Non, madame, c'est le diable qui m'a titillé le cerveau. Je vous l'ai dit, j'ai agi seul sans l'aide de personne», rétorque Rafik. Rabah, lui, n'a pas dit un seul mot. Son avocat s'en occupe juste après que la sympathique procureur eut requis une lourde peine de prison ferme de deux ans. Oui, vraiment lourde pour un jeune qui s'est mis à table facilement. C'est lourd car la victime a repris son bien et s'est désistée sur ses droits civils. Attention, les deux lignes qui précèdent ne sont pas de votre modeste chroniqueur mais des extraits de la plaidoirie remarquable par sa précision, son efficacité et surtout son objectivité. Le conseil a plaidé comme s'il n'avait pas entendu et encore moins pris acte des terribles demandes du représentant du ministère public. «Rabah mérite de larges circonstances atténuantes car il n'avait pas touché la charrette, le vol est commis par le seul Rafik, lequel mérite, lui aussi, la bienvenue indulgence du tribunal», chantonne maître Hammad qui a sauté le verrou de sa légendaire timidité et endossé celui d'une bonhomie bonne à prendre... Le verdict a vu les deux inculpés écoper d'une peine de prison d'un an assortie de sursis. Comme quoi, plaider la pédagogie peut parfois payer et bien payer, c'est sûr.