Sous un ciel assombri par une poussière épaisse de minerai de fer, la petite ville de Ouenza, à 75 km au nord de Tébessa, apparaît voilée. a première vue, elle semble une ville morte, abandonnée, une ville fantôme. En dépit de ses couleurs ternes qui offrent un paysage désolant et triste, Ouenza abrite une population avisée et hospitalière La ville minière fut bâtie au début du XXe siècle au pied d'une montagne baptisée chaîne de Gora. Gora est le nom de la petite fille d'un Français qui a découvert le plus grand gîte de minerai de fer en Algérie. Actuellement, Ouenza est un grand chantier, alors que la région n'a pas bénéficié d'une grande part de projets durant le dernier quinquennat. Elle est en pleine extension, de nouvelles cités ont été construites pour accueillir les familles issues de quartiers vétustes et précaires. La ville est propre, mais sans verdure. Ses quartiers sont différents par leur architecture. On y trouve les plus anciennes cités de Socolon et Centrale qui datent de l'époque coloniale. Elles abritaient autrefois les Européens et aujourd'hui elles sont habitées par les anciens mineurs algériens venus de différentes régions du pays et même ceux des deux pays voisins, le Maroc et la Tunisie. La ville présente une diversité de population qui fait d'elle une ville dynamique, cosmopolite et ouverte aux nouvelles cultures, où aucun résident ne se sent étranger ou déplacé, contrairement à d'autres localités de Tébessa où le tribalisme règne en roi. Comme la région s'enlise dans les difficultés induites par l'inexistence d'infrastructures génératrices d'emploi, sa population est fragilisée par de véritables retombées de précarité. Les jeunes crient leur mal vivre Les problèmes inhérents au chômage et à la mal vie sont devenus un apanage de la région de Ouenza du fait que la franche juvénile est marginalisée. Attablés dans un café, comme ils le font tous les jours, des jeunes universitaires sortent de leur réserve. «Depuis ma sortie de l'université, pas un jour je n'ai pas cessé d'envoyer des demandes d'embauche aux sociétés algérienne ou autres, mais en vain», nous a confié un ingénieur en électronique. Un autre, désappointé, nous a déclaré qu'il avait été pris suite à un entretien pour enseigner, mais son nom a été ôté de la liste. Ajouté à cela le manque d'infrastructures sportives et culturelles qui rend le quotidien de ces jeunes invivable. Ils ne trouvent que les cafés, seule échappatoire à cette rude réalité. «Tous les jeunes ici sont chômeurs. On s'entasse à longueur de journée dans ce café, à jouer aux cartes ou aux dominos», nous dit amèrement un jeune. Autrefois, on venait de partout pour travailler à Ouenza, les postes de travail étaient si abondants que tout le monde travaillait. Or, ces derniers temps, elle s'est transformée en ville de tous les vices qui découlent de la misère. Entre débrouille, désespoir et crainte de l'avenir, les jeunes ne savent plus à quel saint se vouer. Ils n'ont qu'une idée en tête, la «harga». Ils montrent d'un doigt accusateur les autorités de la wilaya, à leur tête le chef de daïra, qui depuis son installation n'a pas effectué une seule sortie sur le terrain. «Le chef de daïra ne reçoit pas les habitants. La porte de son bureau est toujours fermée à nos doléances», nous dira le président d'une association. 70% de la population est malade Plus de 70% de la population est malade à cause de la poussière du minerai de fer néfaste à toute forme de vie. Les habitants meurent en silence, sans aucune prise en charge. Ammi Ferhat, un ancien mineur, vit depuis plusieurs années avec une silicose, cette maladie pulmonaire provoquée par l'inhalation de particules de poussière de la silice cristalline contenues dans le minerai. Selon des informations, ils seraient plusieurs centaines de personnes, notamment d'anciens mineurs, morts des suites de cette maladie sans jamais bénéficier d'aucune indemnisation de la part de la société d'exploitation minière. Leurs familles continuent à percevoir de minables pensions de retraite. D'après un autre riverain du quartier Cheikh Larbi Tébessi, son fils Amine, âgé à peine de 5 ans, a un asthme chronique provoqué par la poussière de fer. Plus de 70% de la population finit par développer ces pathologies : allergie, asthme et silicose, sans qu'aucun programme n'ait été développé pour prendre ces malades en charge. Un seul hôpital pour plus de 100 000 habitants La population de la ville de Ouenza, selon le dernier recensement, compte un peu plus de 100 000 habitants pour un seul centre hospitalier, Boughrara Fouad. Cette infrastructure hospitalière est dépourvue de matériels de laboratoire, dentaire et autres. Elle ne peut plus faire face à l'augmentation croissante en matière de soins. Dans cette optique, une pétition a été signée par plusieurs associations - dont nous tenons une copie- qui revendiquent la réouverture de la clinique à la cité centrale, actuellement transformée en bloc pour abriter les cadres d'ArcelorMittal. Le problème de cette structure sanitaire qui date de l'époque coloniale et dotée des deux salles de soins, d'un labo, d'un fauteuil dentaire et autres a été soulevé lors d'une séance plénière à l'APN par un député. En réponse, le ministre de la Santé a promis sa réouverture pour la fin de l'année 2010, mais à ce jour rien n'a été fait et elle continue à être occupée par les cadres d'ArcelorMittal. Une mainlevée sur les infrastructures de l'Etat Plusieurs infrastructures de base sont toujours sous l'égide de la société d'exploitation minière Ferphos, dont des sièges de banque, d'associations. Selon Abid Boukanoune, président d'une association de protection de l'environnement, «il est grand temps que Ferphos libère toutes les infrastructures qui ne lui appartiennent pas et s'en tienne à sa mission, à savoir exploiter le minerai de fer. La chaîne de Gora est un bien de l'Etat.