Il y a une année jour pour jour, il a brûlé le visage de sa petite sœur. Touchée aux yeux, il a fallu un miracle pour que la petite fille ne perde pas la vue. Il y a une année, on l'avait montré à la télévision «pour l'exemple». S'il ne devait pas à lui tout seul dissuader l'humanité algérienne de recourir à ce jeu périlleux pour leur santé, le jeune adolescent rendu célèbre par sa grosse bêtise devait quand même y contribuer. Et il a fait ce qu'il a pu, à moins qu'il n'ait plutôt fait ce qu'on lui a dit de faire. S'afficher pour l'exemple et demander aux autres de «faire attention». Si la vigilance des petits pétaradeurs sur la trajectoire de leurs projectiles explosifs et sur le mouvement idéal du bras au moment du lancement pouvaient suffire à juguler le phénomène «festif» et en atténuer les conséquences, ça se serait su depuis longtemps. Il aurait été heureux qu'il en fût ainsi, d'autant plus qu'on aurait évité de demander aux enfants de renoncer à l'essentiel, c'est-à-dire le plus dur : acheter des pétards. Parce que s'il s'agissait de lutter contre l'usage des «produits pyrotechniques», comme on dit chez la douane et la police scientifique, si dangereux pour les yeux et pour le reste du corps, il aurait sûrement fallu commencer par là. Or on ne sait toujours pas si le brave ado qu'on a traîné à la télé pour nous dire la bonne parole a été suffisamment traumatisé par la blessure de sa sœur pour renoncer l'année d'après aux emplettes ou il a seulement «fait attention». Parce que faire attention, ça a tous les avantages. ça n'attire pas les foudres de guerre de ceux qui entretiennent la «tradition», ça ne fait pas de vous le loup blanc du quartier qui n'est pas foutu d'être comme «tout le monde» et ça permet de s'amuser en terrorisant les vieilles et les bébés. Le reste, c'est-à-dire l'essentiel, ne compte que trop peu. Après tout, on n'a jamais traîné un «importateur» de pétards sur un plateau de télévision pour nous dire qu'il regrette d'avoir causé tant de dégâts et gagné autant d'argent. Qu'ils passent – généralement – ou qu'ils soient interceptés – très rarement –, les containers sont anonymes, incolores et inodores. Ce n'est que quand ça «pète» que les engins retrouvent leurs couleurs, leurs sons et leurs noms. Et quand ça pète, il est déjà trop tard. Mais on en parlera quand même l'année prochaine à la même période. Le jeune ado qui a failli aveugler sa petite sœur a peut-être renoncé aux emplettes, mais il n'aura manifestement dissuadé personne avec lui. Sinon, ça se saurait. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir