Ce n'est pas parce qu'il a entamé une tournée historique en Amérique latine et qu'il a déçu les Brésiliens en se contentant de prendre note à propos de la possibilité pour ce pays d'obtenir un siège au Conseil de sécurité de l'Onu, que le président Obama s'est coupé de la réalité du monde arabe. Non loin du Venezuela, qui a jugé irresponsable l'intervention militaire contre le régime ami de Kadhafi, le président US a rappelé que la campagne militaire en terre libyenne n'était pas un remake du scénario irakien. Pas un bruit de bottes ne sera discernable. Sinon, il n'aurait jamais accepté d'intégrer la coalition étrangère. Certes, la résolution 1973 autorise celle-ci à tordre le cou aux forces loyales de Kadhafi, mais elle doit aussi obéir au facteur temps. Une sorte de guerre éclair à laquelle il sera mis fin dès lors qu'un cessez-le-feu réel entrera en vigueur ou lorsque Kadhafi mettra ses deux genoux à terre ? Même si plus personne en Occident ne croit en un prochain départ du locataire du palais-caserne d'El Azizia, la porte de la diplomatie demeure légèrement entrouverte, et la claquer signifierait signer un acte de tout-militaire. Chose que Barack Obama n'est pas près d'assumer, le treillis militaire n'étant pas du goût du démocrate qu'il est. D'autant qu'il ne veut pas voir toutes ses tentatives de rapprochement avec le monde arabo-musulman partir en fumée. Ce, même si son indéfectible soutien à l'expansionniste Etat hébreu lui vaut toutes formes de rancœur. Mais l'homme a fait son choix. Sans la démocratisation de ce même monde, il est impensable de parvenir un jour à la paix au Proche-Orient. L'odyssée libyenne n'est qu'une étape sur le chemin du changement que les peuples arabes sont en train d'emprunter avec le coup de pouce direct ou indirect de l'Occident. La stratégie du déséquilibre démocratique n'avait-elle pas trouvé preneuses parmi les anciennes Républiques satellites de l'ex-URSS ? Madeleine Albright puis Condoleezza Rice s'en souviennent comme si c'était hier. La Fédération de Russie et la Chine populaire ont le droit de regretter l'intervention militaire en Libye et la militarisation des relations internationales, Hillary Clinton devrait à son tour avoir son «chemin de gloire». Jusqu'en République islamique d'Iran à propos de laquelle elle a affirmé que ce sont ses dirigeants qui sapent la paix. Un second mandat pour Obama ne suffirait pas à l'actuelle patronne du Département d'Etat US d'assister à la chute du régime des mollahs, prévu à la fin de cette décennie au bout de laquelle la paix pourrait être conclue. Mais d'ici à atteindre cet objectif, Mme Clinton aura tant à faire, les bâtiments de guerre dans le Golfe de Libye n'affaibliraient pas le vent des révoltes soufflant violemment sur Sanaa, Damas, Manama… Ni le statut d'allié dans la lutte mondiale contre l'islamisme radical ni celui de proche des grandes puissances rivales, en l'occurrence la Chine et la Russie, ne doivent permettre l'étouffement dans l'œuf de l'expression pacifique des peuples qui aspirent au grand changement démocratique. Odyssée aube, du nom de l'opération militaire en cours en Libye, est-elle «offerte» en exemple par un Occident qui n'hésiterait nulle part à exhiber sa supériorité militaire ? Les regrets du président Ali Salah au sujet du massacre sur la place du Changement et la décision du président Bachar El Assad à instituer une commission d'enquête sur la mort de quatre manifestants ne réfléchiraient qu'une politique d'un pas en avant un pas en arrière. Serait-ce les deux prochaines étapes sur le chemin du changement, les Etats-Unis donnant raison à la nécessité d'un dialogue franc au Bahreïn dont le monarque saura tenir la dragée haute aux mollahs d'Iran, via le maintien à distance de la minorité chiite ? A l'aube du réveil populaire arabe, l'odyssée en terre libyenne peut s'avérer contagieuse autant que la démocratisation en marche.