Dans un décor digne des grandes productions cinématographiques, un hangar désaffecté à la Spike Lee, le colonel Kadhafi est apparu à la télé publique libyenne durant 22 secondes, chrono en main. Sous un parapluie en soie de Chine, le roi mégalo a fait semblant d'ignorer tout ce qui se passe actuellement dans la Jamahiriya. L'essentiel c'est que le peuple sache que le guide déboussolé est toujours en Libye et qu'il continue de mener bataille comme l'avait déclaré deux jours auparavant son fils, le menaçant Seïf El Islam. Bataille contre qui ? Une quelconque force étrangère qui serait introduite sur le territoire de la Jamahiriya de nuit, sans mandat des Nations unies ? Quelle noble endurance si c'était vraiment le cas. Derrière son clan, ses mercenaires africains et ses alliés étrangers, le colonel génocidaire mène bataille contre son propre peuple. Même le fasciste Benito Mussolini n'aurait certainement pas aimé. Mais si le rédacteur du livre vert se comporte ainsi n'est-ce pas aussi grâce à l'Occident qui a fait qu'il devienne fréquentable ? Il a suffi au maître de Tripoli de renoncer à son programme nucléaire militaire pour que des chefs d'Etat de grandes puissances se bousculent sous sa célèbre tente royale. Intérêts sécuritaires et économiques obligent. La suite coulera de source, il est même permis au colonel Kadhafi d'installer son cottage ambulant dans les jardins de l'Elysée et à proximité de la tour de verre onusienne, à New York. Maintenant que le masque du recommandable Président a été arraché par les vents violents de la révolte, l'Occident va-t-il tourner le dos au colonel qui, contraint de ne plus pouvoir gérer la Libye comme la propriété privée des Kadhafi, fait pleuvoir des balles létales sur Tripoli ? Un bombardement aérien de cette ampleur a finalement fait réagir les puissants de ce monde de brutes. Par la voix de son Président, qui tente de relancer le débat sur la place de l'Islam (Marine Le Pen est dans les parages), la France a jugé inacceptable l'usage d'une telle force, totalement disproportionnée. Celle-ci doit cesser (quand ?), a réclamé le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen. S'engageant corps et âme pour la liberté d'internet, la mondialisation virtuelle à haut débit a fait ses preuves, Hillary Clinton clôturera le bal de ces condamnations : il est temps d'arrêter ce bain de sang. La patronne du département d'Etat cache-t-elle dans le creux de sa main le mode d'emploi qui mettrait fin aux crimes de guerre que Kadhafi, devant lequel Moubarak et Ben Ali paraîtraient des enfants de cœur ? Toutes les options sont sur la table, a-t-on indiqué de source américaine. Il est temps d'en choisir une, le roi génocidaire ne reculera pas au regard du conclave des membres du Conseil de sécurité de l'Onu ou de la réunion des représentants de la Ligue arabe. Parmi ces options, un remake du bombardement US de 1986 est-il envisageable ? Bien que les temps ont changé depuis l'ère Reagan, une résolution de l'Onu prendrait du temps et pourrait buter sur le refus de certains de ses membres influents, le renouvellement de ce scénario éclair n'est pas à exclure. Le seuil de l'intolérable atteint en Libye, les ONG évoquent déjà le chiffre de 1000 morts, la Grande Amérique d'Obama ciblerait-elle le lieu de résidence du colonel Kadhafi, en libératrice du peuple libyen ? Ce serait une très mauvaise idée du fait du caractère interventionniste d'une telle démarche. D'ailleurs, l'Autorité palestinienne nous apprend qu'il s'agit d'une stricte affaire libyenne et que dans ce cas-là, l'ingérence n'est pas recommandée. Autrement dit, Tripoli n'est pas Ghaza où les populations civiles avaient été massacrées par l'armée israélienne. Pour rappel, c'est également contre des civils que le sanguinaire Kadhafi mène sa bataille macabre. Obama sait ce qu'il lui reste à faire, mais faudrait-il qu'il le veuille bien.