Les forces de sécurité sont intervenues hier par centaines dans plusieurs villes en Syrie, notamment à Deraa, ville du sud où est né le mouvement de contestation il y a six semaines. «Plus de 3000 membres des forces de sécurité appuyés par des blindés ont pénétré dans la ville hier matin», selon des militants des droits de l'homme. Selon des témoins, au moins 25 personnes auraient été tuées, tandis que la ville était toujours pilonnée. «Les minarets des mosquées lancent des appels au secours. Les forces de sécurité sont entrées dans les maisons. Il y a un couvre-feu et ils tirent sur ceux qui sortent de chez eux. Ils ont même tiré sur les réservoirs d'eau sur les toits pour priver les gens d'eau», a-t-il ajouté. Il a aussi fait état d'un accrochage qui a opposé les membres des services de sécurité à l'armée : «Ils se sont tiré dessus», a-t-il indiqué. Il y a «des morts et des blessés», a indiqué un autre militant ayant pu entrer en contact avec Deraa. Il a ajouté que les habitants ne pouvaient pas confirmer le nombre de morts car «les corps sont dans la rue et ils ne peuvent pas les récupérer». «Des snipers ont pris position sur les toits et les chars sont dans le centre-ville», a-t-il ajouté. «Les hommes des services de sécurité sont entrés par centaines dans la ville, accompagnés de chars et de blindés», a déclaré un autre militant, Abdallah Al Harriri, joint au téléphone depuis Nicosie. «Les hommes tirent dans toutes les directions et avancent derrière les blindés qui les protègent», a-t-il ajouté. «L'électricité est coupée et les communications téléphoniques sont presque impossibles», a-t-il précisé. D'après des militants, des opérations des services de sécurité étaient également en cours à Douma, à 15 km au nord de Damas, et Al Mouadamiyeh, dans la banlieue de la capitale. Le régime du président Bachar Al Assad, malgré ses annonces de réformes telles que l'abrogation de la loi d'urgence et des tribunaux d'exception, persiste à réprimer les manifestations qui ont débuté le 15 mars, selon les opposants et les ONG internationales. Ces interventions massives des services de sécurité surviennent au lendemain d'une nouvelle journée meurtrière. Dimanche, des milliers d'habitants de la province de Deraa avaient enterré plusieurs victimes de la répression après la prière. Une manifestation avait suivi sans que les forces de sécurité n'interviennent. Mais treize personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées par les forces de l'ordre à Jableh, près de Lattaquié (nord-ouest), a indiqué hier un militant des droits de l'Homme. Ce nouveau bilan porterait à au moins 361 le nombre de personnes ayant péri depuis le début du mouvement de contestation. Une vague d'arrestations a été menée ces derniers jours par les services de sécurité dans les rangs des militants opposés au régime du président Bachar Al Assad. Dimanche, selon des militants des droits de l'Homme, une dizaine de personnes ont été arrêtées notamment à Damas, Homs (centre), Deraa (sud), Lattaquié, Hasaka (nord-est), Deir Zor (est) et Alep (nord). Wissam Tarif, qui dirige un groupe syrien de défense des droits de l'homme basé à Séville et appelé Insan, a indiqué que 221 personnes avaient disparu en Syrie depuis le début de la journée de vendredi. La haut commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Navi Pillay, a demandé «l'arrêt immédiat des meurtres en Syrie», jugeant «inacceptable» la «réaction erratique et violente» du gouvernement syrien face à «des manifestants pacifiques». Pour sa part, Human Rights Watch a invité les Etats-Unis et l'Union européenne à imposer des «sanctions» aux responsables syriens «responsables du recours à la force pour tuer les protestataires et de la torture de centaines de détenus après le carnage de vendredi». Selon le Wall Street Journal, le gouvernement américain se prépare à appliquer des sanctions à l'encontre de hauts responsables proches du président syrien qui supervisent actuellement la violente répression. Pour leur part, un groupe d'étudiants des régions de Deraa et Damas a appelé à «une grève générale» pour protester contre la répression. Enfin, les autorités syriennes ont fermé tous les postes-frontières avec la Jordanie, ont déclaré hier des responsables à Amman, la capitale jordanienne. L'agence officielle syrienne Sana, citant le directeur général des douanes, , a démenti cette information .