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«Déchirer une page d'histoire n'est pas l'effacer»
Publié dans Le Temps d'Algérie le 27 - 04 - 2011

Ayant troqué sa robe de magistrate, Leila Aslaoui a mis la casquette de l'écrivaine avec brio en racontant une tranche de l'histoire de son pays en osmose avec la sienne. Ses écrits pleins de lucidité et de sagacité disent sa blessure profonde qu'elle tente d'expurger.
Dans ses deux romans, point de ressentiments, ni de rancœur, ni d'animosité, Leila avec intelligence a su transcender sa peine. Dans Lettres à Neyla Meriem, un écrit épistolaire, elle plaide pour un monde meilleur empreint de tolérance et de paix alors que dans sa nouvelle parution
Le cartable bleu, elle s'interroge sur cette Algérie qui aura des générations de protagonistes. Aussi elle exhorte à une écriture de l'histoire sans a priori ni scories du passé. Déterminée et volontaire, Leïla Aslaoui a trouvé un dérivatif dans l'écriture. Dans cet entretien, elle évoque la littérature et cette notion de pardon qui l'interpelle.
Le Temps d'Algérie : Que représente pour vous l'écriture littéraire ?
Leïla Aslaoui : L'écriture est avant toute chose de merveilleux moments lorsque vient la créativité : la construction du premier chapitre au dernier. C'est ensuite m'engouffrer dans le monde magique des mots. Choisir celui-ci plutôt que celui-là. Rechercher l'expression capable de traduire une émotion, des sentiments. Réécrire une phrase plusieurs fois pour trouver celle qui me plaît .
C'est alors le bonheur après la tourmente. L'apaisement même si l'écriture est douloureuse. Pour autant, elle n'est pas une thérapie comme on a coutume de le dire. Enfin, l'écriture est toujours dans mes ouvrages la transmission d'un message aux lecteurs dont l'opinion est importante pour moi. C'est une rencontre pour mieux partager.
Leila Aslaoui : Pensez-vous que l'écriture de l'urgence est nécessaire pour que nul n'oublie la tragédie algérienne ?
-L'urgence est d'autant plus justifiée que le seul langage autorisé aujourd'hui est l'amnésie. Les témoignages seront demain des matériaux précieux pour les historiens. Ce n'est pas en occultant l'histoire qu'on l'effacera.
Dans votre ouvrage Lettres à Neyla Meriem, vous racontez une période douloureuse de l'Algérie sans animosité ni ressentiment. Pourquoi alors revenir sur ce passé ? Est-ce un legs atavique à votre petite fille ?
Ce n'est pas moi qui transmets à mes petites-filles un passé douloureux. C'est l'histoire qui leur lègue ce passé. L'assassinat de leur grand-père paternel par le terrorisme islamiste est l'histoire de leur pays et leur histoire
Votre nouvelle parution, Le cartable bleu, est une projection sur l'avenir avec ces générations de jeunes qui deviennent protagonistes ; est-ce à dire que le pardon n'est guère possible ?
Dans le dernier chapitre du Cartable bleu, l'héroïne principale rêve que justice lui est rendue. Ce n'est qu'un songe. D'autant plus irréalisable que l'amnistie a été accordée aux assassins de son époux. A partir de cette amère réalité de quel pardon parle-t-on?
«Quand l'assassin est gras bien nourri... le pardon est une sinistre plaisanterie»(Le cartable bleu). Oui, le pardon est impossible lorsque l'offenseur jouit de l'impunité. Cela étant, je pose la question de savoir ce que sera l'Algérie de demain avec les descendants des deux côtés. Pour ma part, je suis convaincue que recoudre une plaie infectée n'est pas la guérir
Dans ce livre, vous abordez la thématique de l'histoire en filigrane. L'écriture de l'histoire s'impose-t-elle pour ne jamais oublier et ne doit pas se répéter?
J'ai répondu à cette question en disant que déchirer une page d'histoire n'est pas l'effacer. Tôt ou tard, elle resurgit. La guerre de libération est le meilleur exemple : on ne peut plus interdire que des vérités soient dites même si elles ne sont pas les bienvenues.
Avez-vous d'autres projets littéraires ?
J'ai commencé l'écriture d'un autre livre
Entretien réalisé


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