Comme nous sommes dans un pays où le grand sac de la «globalisation» est toujours ouvert, le ministre de la pêche et des ressources halieutiques n'a pas tourné la phrase cent fois dans sa bouche avant de la lancer : il n'est pas question d'effacer les dettes des pêcheurs et le ministère ne prépare aucun projet dans ce sens, dit-il d'un trait. Pourtant, la tentation est grande d'apprécier le ton de M. Khanafou en ces temps où la fermeté dans la décision, voire la décision tout court, ne sont pas dans l'air du temps. Le problème, c'est que quand ce genre de décision est prise avec la fermeté qui y est mise dans le cas précis, on s'encombre rarement d'explication convaincante. Sinon, au ministère de la pêche ou à un autre niveau de responsabilité on aurait pu nous… expliquer. La pêche est sûrement moins stratégique que l'agriculture, mais elle est importante et, ce qui ne gâte rien, n'a jamais été plus prospère que l'agriculture, elle a au contraire souvent été en deçà. Et quand la décision, manifestement géniale, d'effacer la dette des agriculteurs a été prise, il n'y avait aucune nuance possible. Les cultures spéculatives étaient du niveau des cultures vitales et le producteur de fraises était traité avec les mêmes égards que le céréaliculteur. Ni la viabilité de l'entreprise agricole, ni sa rentabilité économique, ni son utilité sociale n'est prise en compte. On efface, point barre. Y compris quand l'«agriculteur» n'en a jamais été un en fait. Une globalisation dont il faudra bien faire le bilan d'ailleurs. Au moment où la production de poisson qui était déjà rachitique a quand même réussi la performance de régresser cette année, le ministre de la pêche est allé «rassurer» les pêcheurs, les vrais et les faux, les spéculateurs et les vulnérables, ceux qui s'échinent à ramener la sardine comme ceux qui vendent la crevette royale et le thon rouge en haute mer, que les rumeurs sur «la question» n'ont aucun fondement et que tous ceux qui ont contracté des dettes doivent s'en acquitter. On aura remarqué que comme pour les agriculteurs, l'absence de nuance est une règle d'or. Tout le monde dans le même sac, on n'efface pas, point barre. Et (re) tout le monde dans le même sac : le ministère de la pêche élaborera un rapport à transmettre au gouvernement dans lequel il sera question de prolonger les délais de remboursement. Et les banques dans tout ça ? On leur a dit de prêter et d'effacer, puis prêter sans effacer. Elles ne vont pas se mettre à décider, non ? Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir