Toute la ville de Tizi Ouzou a été paralysée hier. Cependant, cette fois-ci, il ne s'agissait pas d'un mouvement de grève lancé par un quelconque syndicat ou encore un parti politique. Il ne s'agissait pas non plus de demander une augmentation de salaires. Le mot d'ordre de la grève était de crier haut et fort «Halte aux kidnappings» , et demander la libération immédiate et inconditionnelle de Mourad Bilek, enfant d'Ath Aïssi, et de Ammi Ali de Mechtras. L'appel lancé en fin de semaine dernière par la cellule de crise de la daïra de Béni Douala, quelque 20 km au sud du chef-lieu de wilaya, installée juste au lendemain du kidnapping du jeune Mourad (18 ans), a été entendu et suivi à grande échelle au niveau de la ville des Genêts. Rideaux baissés, commerces, boutiques, libraires et galeries fermés, la ville de Tizi Ouzou paraissait «triste», mais solidaire avec les familles des deux victimes enlevées. Une autre véritable démonstration de force de mobilisation et de détermination à chasser la peur d'un phénomène qui dure depuis 2005, et ce, après les actions «réussies», organisées à Béni Douala et à Mechtras. A Béni Douala avec ses quatre communes, comme à Mechtras, les Ouadhias, Boghni, Maatkas, la grève a été largement suivie. L'adhésion au mot d'ordre de journée de grève a été générale à Tizi Ouzou. Même les étudiants de l'université Mouloud Mammeri ont de leur côté marqué des arrêts de cours à travers plusieurs départements, en guise de soutien aux familles des otages, nous a-t-on signalé. Lors de notre tournée à travers les boulevards de la ville, nous n'avons constaté aucun commerce ouvert. «Il faut marquer cette journée de solidarité avec les familles des kidnappés, car cela peut arriver à n'importe qui. C'est la moindre des choses que nous pouvons faire», nous dira Arezki, propriétaire d'une boucherie tout près du quartier les cadets. Contacté par nos soins, le frère aîné de Mourad nous a déclaré que «la grève a été suivie à plus de 95%, comme constaté ce matin (hier, ndlr) par les membres de la cellule de crise». Par ailleurs, au sujet de l'otage, notre interlocuteur a réaffirmé qu'«aucun contact n'est établi pour le moment entre la famille et les ravisseurs». Pour ce qui est des suites à donner à la mobilisation citoyenne, notre interlocuteur nous a déclaré qu'une réunion de la cellule de crise se tiendra ce soir (hier, ndlr) à Ath Aïssi, pour évaluer l'action de la grève et décider d'autres actions pour l'avenir». En outre, le wali Abdelkader Bouazghi recevra aujourd'hui en audience les membres de la famille Bilek et ceux de la cellule de crise. «Effectivement, nous allons être reçus par le wali de Tizi Ouzou», a confirmé le frère de Mourad. Mourad Bilek, âgé de 18 ans, a été, pour rappel, enlevé le 11 mai par un groupe armé, au lieu-dit Tala Bounane, sur le CW100 reliant Béni Douala à la ville de Tizi Ouzou. 12 nuits de captivité, les ravisseurs n'ont demandé aucune rançon en contrepartie de sa libération. L'autre victime qu'est Hamour Ali, dit Ammi Ali, âgé de 71 ans, kidnappé le 14 mai près de chez lui à Mechtras par des individus armés, vient de passer aussi sa 9e nuit de captivité, alors que ses ravisseur gardent toujours le silence et n'ont établi pour l'instant aucun contact avec sa famille. La mobilisation citoyenne se poursuit toujours à Tizi Ouzou pour la libération sans condition des deux otages, et l'opération ville morte, que vient de connaître cette wilaya, une première dans les annales en Algérie, est la meilleure preuve que les Kabyles ne sont pas près de céder. «Les kidnappings doivent cesser en Kabylie», est-il hautement crié.