«La révolution tunisienne est encore loin de ses objectifs tant les relais de l'ancien régime de Ben Ali sont toujours aux commandes du pays», a estimé Rached Ghanouchi, leader de la formation Ennahdha, considéré comme l'un des partis les plus influents en Tunisie. Le peuple tunisien qui s'est révolté au mois de janvier dernier «est parvenu à briser le mur de la peur que le régime policier de Ben Ali a maintenu pendant 23 ans de règne sans partage», a tenu à relever M. Ghanouchi, rencontré jeudi dernier au siège de son parti à Tunis. Il affirme que l'un des acquis principaux de la révolution reste «la souveraineté qu'exerce pleinement la population, devenue maître de son destin après la chute du dictateur». Pour autant, cette nouvelle étape franchie n'est pas rassurante, selon le fondateur d'Ennahdha qui déplore «l'influence qu'exercent encore les relais de l'ancien régime au sein du pouvoir actuel». Du coup, Rached Ghannouchi déduit que malgré la destitution de Ben Ali, «c'est toujours l'ancien régime qui détient le pouvoir». La seule différence, selon lui, c'est simplement que «ce même régime a juste été dépossédé des instruments d'intimidations et de répressions par lesquels il imposait, durant les années précédentes, son diktat à la société». Aux yeux de notre interlocuteur, «la révolution tunisienne est parvenue à extraire la souveraineté au régime politique tunisien pour l'offrir au peuple, néanmoins, ceci demeure encore insuffisant tant que la souveraineté qu'exerce la société dans la rue ne s'est pas encore traduite en termes de nouveaux mécanismes de loi et ne sert pas encore de base à l'édification de nouvelles institutions politiques du pays». Le parti est visé par une «propagande de déstabilisation» Selon Rached Ghanouchi, ce ne sont pas les prochaines élections de l'Assemblée constituante prévues le 23 octobre prochain qui vont marquer l'aboutissement du processus de transition politique. «Ces élections ne constituent qu'une manœuvre supplémentaire de l'ancien régime pour se maintenir en place», estime-t-il. Le leader d'Ennahdha dénonce le fait que sa formation fait l'objet «de tentatives de déstabilisation orchestrées à son encontre par les héritiers de Ben Ali qui sont encore au pouvoir, assistés dans leur besogne par une meute de partis politiques qui leur servent de suppléants». Il expliquera que l'objectif de cette «manœuvre politicienne» est d'empêcher l'accession d'Ennahdha aux institutions politiques. «Ils veulent nous présenter aux yeux de la société et de la communauté internationale comme une menace pour le devenir de la Tunisie, des droits de la femme, du tourisme...», nous confie-t-il. «En vérité, ajoute-t-il, Ennahdha n'est une menace pour personne. C'est plutôt les intérêts mercantiles des résidus de l'ancien régime occupant encore des postes de responsabilité qui menacent notre pays». La formation Ennahdha qui a célébré le 6 juin dernier son 30e anniversaire a réitéré par le biais de son premier responsable sa volonté de parvenir à un consensus politique qui réunira en son sein le maximum de partis tunisiens favorables à l'idée d'une meilleure convergence des visions. En attendant, Rached Ghanouhi nous informe que son nom ne sera pas inclus aux listes de candidats aux différentes éléctions, y compris présidentielle, que la Tunisie envisage d'organiser à l'avenir. De notre envoyé spécial