Le mouvement de redressement du FLN a réuni hier matin à Draria (Alger) les représentants des mouhafadhas des wilayas du centre. Une soixantaine de participants, dont deux femmes, ont pris part à ce regroupement autour des coordinateurs nationaux du mouvement, à l'image de Salah Goudjil, Abdelkrim Abada et Abderrachid Boukerzaza. Intervenant en premier, M. Goudjil a rappelé le contexte de crise dans lequel est né le mouvement qui a pour objectif «la restitution du FLN à ses militants» et «remettre le parti sur les rails». «Nous avons traversé des étapes importantes. Nous sommes arrivés à une étape charnière de notre mouvement», lance-t-il à l'adresse de l'assistance. Par «étape charnière», le coordinateur fait allusion aux prochaines élections législatives et locales de 2012 auxquelles il faut se préparer. L'orateur a évoqué à ce titre deux scénarios possibles. Dans le cas où la direction actuelle du Front, conduite par le secrétaire général Abdelaziz Belkhadem, accède à la demande des redresseurs et décide de remettre de l'ordre dans les instances du parti en appliquant le règlement intérieur et les statuts en vigueur, il y a aura élaboration de liste unique de candidats aux élections législatives. Si la crise perdure, les redresseurs présenteront alors leurs propres listes en fonction des dispositions des nouvelles lois sur les partis politiques et les élections, et au pire ils feront campagne comme candidats «indépendants». Belkhadem, un «diviseur» 22 représentants venus de Chlef, Blida, Boumerdès, Tipaza, Médéa, M'sila, Tizi Ouzou et Alger ont pris la parole, évoquant des pratiques mafieuses dans la désignation des membres des bureaux des kasmas et des mouhafadhas. Il y a eu de tout : exclusion de militants, des instances contrôlées par des voyous notoires, des repris de justice et des arrivistes, falsifications des PV d'installation des bureaux. Les représentants sont venus à la réunion chercher des solutions pratiques. En matière d'initiative, ils ne manquent pas d'imagination. Ils ont exigé une action nationale d'impact psychologique très fort par l'occupation par la force du siège national. Dans le prolongement de l'évocation des affaires de corruption touchant cette formation politique à l'échelle locale, M. Boukerzaza a déclaré que l'achat des postes avait commencé au Conseil de la nation avant de s'élargir aux autres institutions que sont l'APN, l'APW et les APC. Pour lui, le fléau a touché par la suite les instances du parti lui-même. Les places au comité central, un siège à l'APN, les têtes de liste se vendent. Selon lui, des députés ont été inquiétés à cause de leurs positions. «On les fait chanter», indique-t-il. S'ils acceptent de suivre les mots d'ordre de la direction, leurs noms seront retenus pour les prochaines élections, dans le cas contraire, on les invite à dire adieu à leur siège dès maintenant. Au FLN, «les élections sont devenues un moyen de chantage», regrette M. Boukerzaza. «Il faut faire face à ce chantage», invite-t-il. Abdelkrim Abada donne l'impression d'être le stratège des redresseurs. C'est lui qui a communiqué les dernières instructions aux représentants des militants. «Depuis le 9e congrès, 99% des actions (du parti) sont falsifiées», déclare-t-il pour mieux rendre compte de l'ampleur de la situation. A ses yeux, le secrétaire général se présente en «diviseur», montant les militants les uns contre les autres. En homme averti, M. Abada qualifie d'«exemple à suivre ce qui s'est passé à Tébessa. Lundi dernier, à l'occasion d'un regroupement à la mouhafadha de Tébessa de 1500 militants des wilayas de l'est du pays, un groupe de jeunes a tenté de saboter la rencontre. «C'est Abdelaziz Belkhadem, en vacances à Marsa Ben M'hidi, qui a exigé du mouhafedh d'empêcher la réunion par tous les moyens», indique-t-il. Pis, les jeunes chargés de jouer aux trouble-fêtes auraient des instructions strictes. «Ils avaient pour mission de repartir avec la chemise de Abada tachée de sang», lâche l'orateur. Cette révélation a mis en émoi toute l'assistance. A Tébessa, ce sont les militants qui contrôlent de force la mouhafadha depuis neuf mois. M. Abada a rejeté l'idée d'occuper le siège national. «La seule solution, c'est d'aggraver la crise», analyse-t-il. Aussi a-t-il demandé l'élection de représentants de chaque wilaya pour en faire des interlocuteurs, les invitant à faire des déclarations publiques et à lui transmettre des preuves matérielles sur la non-adhésion ou le manque d'ancienneté de certains membres du comité central en prévision d'un dépôt de plainte. «Nous avons obtenu que les autorités n'interfèrent pas dans la crise interne du FLN», annonce-t-il. En clair, les walis ne devraient pas s'intéresser aux réunions des militants. M. Abada a aussi évoqué le manque de mobilisation des militants à Alger. «Chaque fois on reçoit un groupe de militants qui se montrent très motivés. Quand on les rappelle une semaine plus tard, ce ne sont plus les mêmes qui se présentent et quand on organise un rassemblement devant une mouhafadha, on se retrouve avec trois à quatre personnes», dit-il. Pour lui, c'est le président de l'APN Abdelaziz Ziari qui fait tout pour empêcher les militants de reprendre le contrôle des kasmas et des mouhafadhas. En ces temps de crise, conclut-il, «être militant, c'est être un révolutionnaire».