La lutte contre la corruption est confrontée à l'épineux problème de l'absence d'une base de données sur le patrimoine des personnes, a indiqué Mokhtar Lakhdari, directeur des affaires pénales et des grâces au ministère de la Justice. «A chaque affaire judiciaire liée à la corruption, la justice est confrontée à l'absence de données permettant de remonter aux sources des biens des personnes inculpées», a-t-il indiqué, en marge de la journée d'information autour de la lutte contre la corruption. Il a estimé que l'investigation exige de la justice de faire un travail à tous les niveaux, notamment les banques et conservateurs fonciers, «ce qui n'est pas une mince affaire» a-t-il souligné. Il a affirmé que la justice a déjà traité «quelques cas d'enrichissement illicite», relatifs «au favoritisme dans les marchés publics». Il a expliqué que la justice n'intervient que lorsqu'il y a des indices ou des personnes qui sont déjà impliquées dans des affaires de corruption. «La justice ne s'interroge que sur le patrimoine des personnes inculpées et leur demande de le justifier afin de ne pas tomber dans l'arbitraire, et aussi parce qu'elle s'interdit de porter atteinte à l'honneur et la dignité des personnes», a-t-il dit. M. Lakhdari a également relevé que l'enrichissement illicite «pose des problèmes à tous les pays qui ont inséré cette incrimination dans leur législation». Il a fait savoir que le ministère de la Justice a procédé,, il y a deux mois, avec les services de sécurité à une évaluation de la question pour cerner les difficultés qui les empêchent d'avancer. Interrogé, par ailleurs, sur les dénonciations anonymes relatives à la corruption, M. Lakhdari a répondu que toutes les dénonciations «sont prises au sérieux», mais, que le parquet est «prudent» et travaille sur la base de preuves tangibles. Il a regretté que les précautions que la justice doit prendre soient «souvent prises pour de l'inertie ou un manque de volonté», avant de préciser que «le parquet ne s'autosaisi pas et fait un travail sérieux en respectant la loi, notamment le code de procédures pénales, afin d'éviter l'arbitraire». Par ailleurs, le directeur des affaires pénales a indiqué que 948 affaires liées à la corruption ont été tranchées par les tribunaux en 2010. Il a précisé que les tribunaux avaient prononcé des peines contre 1352 accusés dans 948 affaires liées à la corruption. Les détournements de deniers publics constituent les crimes de corruption les plus répandues avec 475 affaires pour la même année, suivis de l'abus de fonction (107 affaires), la corruption de fonctionnaires (95 affaires) et l'octroi de privilèges injustifiés dans les marchés publics (79 affaires), a-t-il indiqué. Selon les statistiques pénales, les collectivités locales viennent en tête des secteurs touchés par les affaires liées à la corruption avec 146 affaires, suivies par les secteurs de la Poste (133 affaires) et des banques (78 affaires). Après avoir souligné que les statistiques «ne reflètent pas la véritable ampleur du phénomène de corruption», M. Lakhdari a précisé que le taux de corruption dans la plupart des pays ne dépasse pas 10% de l'ensemble des crimes, ajoutant que beaucoup d'affaires ne sont pas dévoilées ou dénoncées.