Indéniablement, le marché du médicament en Algérie est en proie à une véritable anarchie qui ne semble pas connaître son épilogue de sitôt. Messaoud Belambri, président du Syndicat algérien des pharmaciens d'officines (Snapo), parle d'une désorganisation caractérisée qui n'épargne aucun des intervenants dans ce marché, qualifié pourtant de juteux eu égard à son chiffre d'affaires estimé à quelque 2 milliards de dollars (1,6 milliard d'euros). Invité hier sur les ondes de la Radio nationale, M. Belambri a déploré la déstabilisation qui frappe de plein fouet le marché du médicament à différents niveaux. «Des importateurs ne respectent pas leurs engagements par rapport au cahier des charges. Ce qui est aussi le cas des producteurs en matière de remplacement des produits qui étaient importés», dénonce le président du Snapo, qui n'omet pas de souligner aussi «les difficultés rencontrées dans la distribution». Du coup, le marché algérien du médicament est vraisemblablement au creux de la vague. La tutelle, le ministère de la Santé, ne pourrait prétendre ignorer ce constat de confusion généralisée, vu que, selon Belambri, les responsables du secteur «ont été alertés à maintes reprises aussi bien par écrit que via les médias». D'ailleurs, en saisissant l'opportunité d'intervenir sur les ondes de la Chaîne III, le président du Snapo a de nouveau mis l'accent sur l'urgence d'assainir le marché du médicament. Il préconise en ce sens la création d'un comité ad hoc placé sous l'égide de la tutelle et au sein duquel seront regroupées toutes les parties concernées (importateurs, producteurs et distributeurs) pour trouver une solution à la situation actuelle». L'invité à ainsi insisté sur la mise en place de solutions d'urgence devant s'imposer au plus vite, en attendant la promotion de la production pharmaceutique nationale qu'il considère comme «la solution de demain». Entre autres, comme solutions d'urgence, l'orateur parle de la nécessité de prioriser l'accessibilité au médicament au profit d'un grand nombre de citoyens pour parer à la pénurie persistante, en particulier dans les régions isolées du pays. Il évoque, en outre, la création de l'Agence nationale de produits pharmaceutiques pour renforcer la régulation. Cependant, le président du Snapo s'est montré sceptique quant à une remise sur rails du marché du médicament. Ceci pour la simple et bonne raison que ce secteur, comptant quelque 900 officines pharmaceutiques, les problèmes s'accumulent «sans que des mesures adéquates ne soient prises», a-t-il déclaré. Il a aussi déploré le recul du gouvernement sur l'autorisation pour producteurs à livrer des médicaments aux pharmaciens. Une telle décision «a dopé le pouvoir de certains lobbies de l'importation qui dominent le marché du médicament», a-t-il indiqué, expliquant qu'en raison de la menace qui planait sur leurs intérêts, ces lobbies ont exercé d'énormes pressions pour obtenir l'annulation de la décision gouvernementale. Du coup, la situation à empiré, regrette l'invité de la radio. Des lobbies constitués avec l'argent de l'Etat Les lobbies sévissant dans le secteur de médicament, et agissant à l'image d'une véritable mafia, n'ont pu en réalité voir le jour que «grâce à la cagnotte financière injectée par les pouvoirs publics dans ce créneau juteux». Le président du Snapo le dit d'ailleurs clairement : «Il est inconcevable qu'avec l'argent de l'Etat, des lobbies se sont constitués et exercent un véritable diktat sur le marché du médicament». Il a aussi mis l'accent sur l'indisponibilité de quelque 150 médicaments essentiels. «Il est temps que les grands distributeurs adoptent un comportement déontologique», a-t-il dit, regrettant que «ceux qui ont les plus grands moyens financiers et détiennent toute la gamme des médicaments ne sont pas intéressés par le travail avec les petites pharmacies qui constituent de 80 à 90 % des officines existantes».