La politique du médicament suivie à ce jour par le ministère de la Santé continue de provoquer d'énormes perturbations au niveau du secteur de la pharmacie. C'est du moins ce que ne cessent de dénoncer les opérateurs en pharmacie, et ce, du producteur au distributeur en passant par le grossiste et l'importateur. La conférence de presse organisée hier par les responsables du Syndicat national des pharmaciens d'officine (Snapo) résume assez bien l'état de la situation actuelle de cette « chaîne ». Une situation qualifiée de « catastrophique ». Si le président de la Société algérienne de pharmacie a déclaré dans une interview à El Watan, la semaine dernière, que des usines et des pharmacies risquent de fermer si les choses ne changent pas, le propos vient d'être confirmé par le président du Snapo, Fayçal Abed, qui a animé la conférence de presse en compagnie des membres du bureau national à Chéraga (Alger). Le premier point sur lequel les pharmaciens ont insisté et qui représente le nœud gordien – auquel fait face depuis des années le pharmacien d'officine – est la nouvelle mouture du texte de loi qui consigne les marges bénéficiaire applicables à la production, au conditionnement et à la distribution des médicaments à usage de la médecine humaine approuvé par le gouvernement au mois de mai dernier. Le Snapo estime que si les pouvoirs publics prônent depuis des années la promotion du générique, il se trouve que « la nouvelle mouture sur les marges bénéficiaires qui vient d'être approuvée par le gouvernement est contre la politique du générique. Au contraire, elle favorise la vente du médicament le plus cher puisque la marge bénéficiaire appliquée au princeps et au générique est la même. L'opérateur va automatiquement vendre le produit le plus cher. Le princeps et son générique se retrouvent sur la même fourchette de prix », a souligné M. Belambri, porte-parole du syndicat. Le nouveau décret, ayant plafonné la marge à 17% pour les produits vendus à plus de 600 DA, n'arrange pas les choses, a poursuivi M. Abed. « Cette marge est pénalisante pour le pharmacien. Cette décision est inacceptable d'autant qu'il est reconnu mondialement que cette marge minimum est plafonnée entre 30 et 33% », a-t-il signalé. Il s'est interrogé sur quelle base avait été décidée cette marge de 17%, rappelant que l'ancienne loi qui régissait ce domaine datant de 1998 instituait une marge de 20% pour les médicaments qui coûtent plus de 150 DA. M. Abed a précisé, à cet égard, qu'il n'y a pas de différence entre l'ancien et le nouveau système et que ces marges risquent de causer la faillite des officines. Les membres du Snapo menacent Le président du Snapo a tenu à préciser qu'un rapport détaillé sur la situation actuelle a été adressé au président de la République et des demandes d'audience ont été formulées auprès des ministères de la Santé, du Commerce et du Travail et de la Sécurité sociale. « Notre syndicat est ouvert au dialogue et nous attendons une réaction des pouvoirs publics. Si rien n'est fait, le Snapo ne restera pas les bras croisés. Tous les pharmaciens du territoire national sont mobilisés pour mener une action d'envergure pour se faire entendre », a menacé le président du Snapo. Ce dernier appelle ainsi à l'annulation du décret portant marges bénéficiaires, car il ne pourra jamais être appliqué sous sa forme actuelle, a-t-il ajouté. La marge fixée pour le pharmacien est loin d'être rémunérante, ce qui peut provoquer une indisponibilité de certains produits, ont fait remarquer les membres du bureau national du Snapo. « Cette marge est indécente pour le pharmacien et le risque de voir des produits disparaître des étals n'est pas à écarter », a déclaré le secrétaire général du syndicat. Ce qui rendra la crise du médicament encore plus aiguë. A propos justement de la rupture de stocks de médicaments qui touche le pays depuis trois mois, le Snapo affirme qu'elle est aujourd'hui une réalité qu'il ne faut pas ignorer. Mais le président du Snapo n'a pas manqué de s'interroger sur les raisons qui ont provoqué ces pénuries. A ce propos, il signale une « réapparition soudaine » de certains médicaments sur le marché dès qu'il y a eu signature des programmes d'importation de médicaments. Cette rupture de stocks a, fait remarquer un membre du bureau, révélé une insuffisance et de grandes carences du système national de santé, notamment dans la politique du médicament. « Et si une épidémie venait à se produire, comment allons-nous agir ? », s'est -il interrogé avant d'appeler à une réflexion sérieuse sur la politique du médicament. M. Abed a par ailleurs dénoncé les installations « anarchiques et inégales » de pharmacies dans les chefs-lieux de certaines wilayas et même dans la capitale, ce qui représente, selon lui, « un dépassement de la part des directions de santé publique de wilaya ». Les responsables, les walis et les directeurs de santé publique (DSP) qui ont permis ces installations anarchiques doivent rendre des comptes, a exigé le Snapo. Concernant les produits périmés, le Snapo s'inquiète sur leur sort, du moment que « leur incinération, a-t-il dit, demeure interdite dans les décharges publiques depuis 2002 en raison de la protection de la santé des citoyens et de l'environnement ». L'incinération des produits périmés, dont la quantité est estimée, selon le syndicat, à des milliers de tonnes qui se trouvent au niveau des officines, devrait se faire dans des incinérateurs, a indiqué M. Abed, déplorant l'inexistence d'incinérateurs agréés. Les pouvoirs publics doivent intervenir, d'autant que la situation est de plus en plus intenable. M. Abed a, en outre, appelé les autorités concernées à élaborer une « liste officielle actualisée des psychotropes commercialisés afin de mettre fin à toutes les dérives ». Il faut clarifier le classement de ces médicaments, dont la gamme ne s'arrête pas à douze produits répertoriés sur une liste. Le président du Snapo a annoncé dans la foulée la tenue du conseil national du Snapo, aujourd'hui, pour débattre de toutes les difficultés rencontrées par le pharmacien d'officine.