La Tripartite du 28 mai 2011 a été consacrée au volet économique. La Tripartite prévue aujourd'hui sera consacrée au volet social. Il semble que le débat s'oriente vers la révision du Salaire national minimum garanti (SNMG), l'allègement de l'Impôt sur le revenu global (IRG) qui pénalise lourdement les salariés, retraités inclus, l'abrogation de l'article 87 bis du code du travail. Concernant l'IRG, il s'agirait de revoir le taux de perception pour les salariés et d'exempter les retraités de cette imposition. Autre dossier, la revalorisation des pensions de retraite jugées en inadéquation avec l'évolution du coût de la vie. En effet, la revalorisation annuelle des pensions de retraites, soit 10%, demeure insuffisante, d'où la nécessité de revoir les niveaux actuels, les retraités étant 2,2 millions dont la majorité vivent dans la précarité. Dans cette présente contribution, des experts font le constat et les propositions suivantes : 1. - Vu le constat de la situation socio-économique : - Une économie rentière exportant 98% d'hydrocarbures en dollars à l'état brut et semi-brut et important 70/75% des besoins des entreprises (moins de 15% de taux d'intégration) et des ménages dont 60% en euros, - Des réserves de change au 1er juillet 2011 de 174 milliards de dollars non pas dues au travail et à l'intelligence mais à la rente des hydrocarbures, - Face à cette aisance financière, une concentration excessive du revenu national au profit d'une minorité rentière, d'où le sentiment d'une profonde injustice sociale, tout le monde voulant sa part de rente, ce qui ne peut que conduire à un suicide collectif et au sacrifice des générations futures -Que les réserves d'hydrocarbures ne sont pas éternelles – moins de 16 ans pour le pétrole et 25 ans pour le gaz conventionnel – en termes de rentabilité financière pour une population qui passera dans 25/30 ans de 36 à 50 millions sans hydrocarbures, l'Algérie étant indépendante depuis 49 ans - De la non-proportionnalité de la dépense publique (200 milliards de dollars entre 2004/2009 et 286 entre 2010/2013 dont 130 milliards de dollars de restes à réaliser des programmes de 2004/2009dont le taux de croissance moyen entre 2004/2011 est inférieur à 4% en termes réels, 90% des segment short hydrocarbures étant irrigués par la rente des hydrocarbures, notamment le BTPH, moins de 10% des entreprises publiques et privées pouvant tenir tête à la concurrence internationale, - des rapports internationaux 2009/2011 montrant que la productivité du travail est une des plus faibled de la région MENA, l'Algérie dépensant deux fois plus via la dépense publique pour avoir deux fois moins de résultats - De la faiblesse pour ne pas dire de l'inexistence d'une politique salariale cohérente, une distribution passive de la rente des hydrocarbures souvent sans contrepartie productive avec la dominance des emplois improductifs pour acheter la paix sociale, décourageant les créateurs de valeur directement ou indirectement (éducation, santé) d'une politique salariale - De la dominance de la sphère informelle, notamment spéculative, liée à l'économie de rente, qui contrôle 40% de la masse monétaire en circulation, et 65% des produits de première nécessité dont les fruits et légumes, le marché de la viande blanche et rouge, du poisson et de l'habillement obéissant au marché libre contribuant hors hydrocarbures à plus de 40% de la valeur ajoutée et employant environ 50% de la population active estimée à plus de 10 millions de personnes en sous-estimant la population active féminine, (une grande partie des permanents s'adonnant à des emplois d'appoint après les heures de travail, chauffeurs de taxis clandestins notamment) - Les experts faisant le constat qu'il serait souhaitable pour atténuer les augmentations de salaires maîtrisées afin d'éviter l'inflation une meilleure efficacité de la dépense publique, une meilleure gestion, une lutte contre la corruption et un partage des sacrifices, notamment en taxant les niches des fortunes spéculatives mais cela est impossible à court terme, du fait d'une gouvernance mitigée qu'il s'agit impérativement de revoir à terme - Que le tissu économique opérant dans la sphère réelle est composé à plus de 80% de PMI/PME qui ne peuvent supporter une augmentation brutale des salaires, pouvant les pousser à rejoindre la sphère informelle - Du fait que toute augmentation salariale entraînera donc une augmentation des importations du fait de la faiblesse de la production locale et l'Etat sera contraint de subventionner massivement les produits importés (comprimant artificiellement l'inflation importée) étant une solution transitoire, et une poussée inflationniste sur le marché libre notamment des fruits et légumes, viande et textiles et cuirs qui constituent le panier essentiel de 70% des ménages algériens.
2. - Il en découle les propositions suivantes : - Favoriser un débat national sans exclusive sur le bilan de tous les programmes économiques 2000/2011 s'impose, lié à un large débat sur les réserves d'hydrocarbures et l'utilisation des réserves de change. Le dialogue est la seule voie pour trouver un véritable consensus, ce qui ne signifie nullement unanimisme, signe de décadence de toute société, afin d'anticiper tout conflit à des coûts faramineux. Car lorsqu'un pouvoir agit bureaucratiquement sans concertation, sans tenir compte de la réelle composante sociale, la société enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner en dehors de l'Etat officiel, se traduisant alors par un divorce croissant Etat/citoyens. - Elargir la représentativité de la Tripartite. Pour cela, les organisations patronales privées doivent avoir un cadre unifié et inclure d'autres organisations non présentes, parfois plus représentatives. Pour un véritable dialogue social, il serait souhaitable de convier d'autres organisations syndicales autonomes avec lesquelles notamment les ministres du travail, de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la santé sont déjà en contact permanent. La composante est la même depuis plus de deux décennies alors que l'environnement économique et social algérien a profondément changé, ce qui explique que les anciennes Tripartites ont eu peu d'effets face aux tensions sociales. D'autres forces sociales et économiques sont apparues depuis, dont il faut tenir compte, faute de quoi cela s'apparenterait à un monologue du pouvoir avec lui-même, sans impact pour la résolution concrète des problèmes économiques et sociaux. - Eviter que la Tripartite soit un lieu de redistribution de la rente (parts de marché et avantages divers supportés par le trésor public de ceux présents via la dépense publique) en fonction d'intérêts étroits - Synchroniser les objectifs économiques et sociaux solidaires. L'objectif stratégique face aux tensions sociales de l'Algérie est la relance de la machine économique, se fondant sur une bonne gouvernance, la valorisation du savoir richesse bien plus importante que toutes les richesses éphémères des hydrocarbures, une visibilité et cohérence dans la politique socioéconomique tenant compte des nouvelles mutations mondiales. C'est toute la problématique de la transition d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures qui dure depuis 1986. Le statu quo, alors que le monde évolue, le temps en économie ne se rattrapant jamais est suicidaire pour le pays. - Avoir une vision stratégique tenant compte de l'espace mondialisé, l'avenir des entreprises algériennes compétitives est dans l'intégration maghrébine, dans l'Afrique du Nord et devant nous tourner vers l'Afrique profonde en termes d'avantages comparatifs, un continent vierge qui abritera 1,5 milliard d'habitants horizon 2025. - Au niveau interne, il s'agit de lever les contraintes d'environnement à l'entreprise : la bureaucratie étouffante, un système financier qui a besoin de devenir un véritable partenaire économique des entreprises et non de simples guichets administratifs, adapter le système socio-éducatif à l'environnement et résoudre le problème du foncier. Cela renvoie à des facteurs d'ordre politique et culturel (tenir compte de notre anthropologie) qui dépassent les facteurs économiques, mais implique une mutation systémique. En conclusion, pour les experts concernant les augmentations de salaires, il ne faut pas être utopique. Un SMIG entre 32 000 et 35 000 dinars, ce qui serait souhaitable pour une vie décente d'un ménage ayant 4 enfants à charge ne travaillant pas est une impossibilité économique, hélas, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques. Tout au plus peut-on relever le SMIG entre la fourchette de 15 000 dinars actuellement au maximum à 20 000 dinars, en espérant en dynamique un accroissement de la production et la productivité nationale, sinon cette augmentation sera rattrapée par l'inflation. Par Abderrahmane Mebtoul (*) ----------------