L'homme poursuit ses rêves, mais l'artiste les vit à la façon d'un bébé qui tète un sein à peine esquissé sur une masse d'orme. Le bois se livre à la goule du sculpteur pour donner naissance à une farandole de formes galbées, aux lignes épurées, qui rappellent le corps d'une naïade qui émerge d'un océan aux horizons insaisissables. Kouider Medjahed se joue des interdits, dompte les essences de bois pour délimiter un univers où la femme se fait, tantôt présente, tantôt furtive et tantôt alanguie sur une dune de sable que caressent mille et un mirages. Ses œuvres sont un hymne à la femme, à l'amante, la mère, la compagne. Elles sont une déclinaison en couleurs chaudes, de mille et un désirs, de mille et un fantasmes. L'orme, le cerisier, le chêne, des essences que le sculpteur enfourche pour aller bousculer des tabous. La femme est omniprésente dans ses travaux et n'en déplaise aux esprits sclérosés, bouffés de contradictions qui voient le mal même dans la pureté d'une ligne. L'art et l'audace Son talent n'a pas ému certains cercles régis par une censure pesante. Il n'expose que rarement, et quand il arrive à se frayer un chemin vers un espace, on reste en pamoison devant la beauté de ses œuvres. Il ose et ses espiègleries plaisent, enchantent. Il sculpte le bois qu'il va quérir en se f... des interdits. Il le chaparde, il l'achète, et puis quoi après… L'interdit n'est qu'une vue de l'esprit derrière laquelle se cache une censure morbide. Ses sculptures exposées à la galerie Lotus d'Oran ont ravi. L'espace est devenu un temple dédié à la femme, à la beauté, et aux formes tantôt généreuses et tantôt chétives et tout juste esquissées. Ses travaux rappellent ceux de Mohamed Demagh l'Aurésien. Tous les deux savent parler aux essences de bois. Tous les deux savent manier le ciseau, la goule ou la râpe. Et si le Chaoui a redessiné, finement ciselées à la pointe de son couteau, les souffrances d'un peuple en quête de sa liberté, Kouider Medjahed a dessiné la femme. Il en fait sa raison d'être homme, d'être artiste qui ne s'accommode pas des interdits. Si Demagh a taillé Le Napalm (*), Medjahed a modelé la femme dans toute sa grandeur, dans toute sa splendeur. En une trentaine d'œuvres, les visiteurs de la galerie Lotus peuvent admirer le travail hautement esthétique de cet artiste au talent plus grand que les paravents derrière lequel on veut le cacher. Des œuvres de valeur Kouider Medjahed, auquel on n'offre pas l'occasion d'exposer ses œuvres, sait se jouer de tous les interdits pour aller à la rencontre de ceux qui aiment l'art, ceux qui aiment la beauté comme le gérant de la galerie, Moussa Mediène qui a donné de la vie aux murs de cet espace qui commence à attirer les artistes et le public d'Oran et de tout l'Ouest. F. B. ---------------------- (*) Le nom de la plus célèbre sculpture de Mohamed Demagh exposée en 1985 à la galerie du Centre culturel