Un demi-siècle après, les événements relatifs à la manifestation des immigrés algériens à Paris, le 17 octobre 1961, en réaction aux exactions dont ils étaient victimes, continuent de faire l'actualité. Jeudi dernier, invité au forum du quotidien El Moudjahid, Ali Haroun, un des membres dirigeants de la Fédération de France du FLN au moment des faits, a annoncé la découverte, depuis deux à trois ans, «d'une petite partie des rapports qui ont été faits» par les militants avant, au cours et après la manifestation. Pour éviter qu'elles tombent entre les mains de la police, la Fédération déposait ses archives chez des sympathisants français du FLN. Après la mort de ces personnes, leurs enfants se sont débarrassés de ces tas de papiers dont ils ne connaissaient pas la valeur historique. C'est donc par hasard qu'on découvre chez des particuliers des rapports et des témoignages d'Algériens sur Paris de 1961. Il demeure que la police de la capitale française détient une partie de la mémoire de la Fédération suite aux saisies effectuées sur les militants malgré les précautions. Une autre partie de ces archives est constituée des documents joints aux rapports d'information remis chaque trimestre au Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et qui, selon Ali Haroun, «devraient se trouver quelque part». C'est dire que la partie découverte représente une goutte d'eau dans un océan. Celle-ci comporte exactement 117 témoignages et 106 rapports. Avec le concours de Média Marketing, cabinet d'études, de recherche et de conseil en communication, les documents trouvés ont été numérisés. «Les copies originales seront versées aux Archives nationales, après accord de Ali Haroun. Les chercheurs peuvent travailler sur la base des archives numérisées», explique Youcef Aggoun, directeur de Média Marketing, également présent au forum d'El Moudjahid. Le même cabinet avait collaboré avec M. Haroun sur la numérisation des numéros du journal Résistance algérienne, organe d'information du FLN jusqu'en mai 1957, et dont il était le responsable de l'édition marocaine. Sous la responsabilité de Abane Ramdane, les trois éditions (marocaine, parisienne et tunisienne) de Résistance algérienne ont été supprimées pour être remplacées cette année-là par un journal unique dans deux langues (arabe, français), El Moudjahid, jusqu'à l'Indépendance. La présentation à la presse nationale du travail accompli par le cabinet de M. Aggoun a été accompagnée d'une communication improvisée par l'auteur de «La VIIe wilaya, la guerre du FLN en France (1954-1962)» sur le 17 octobre 1961, «une date très importante mais qui n'est pas assez connue». Le conférencier surprend l'assistance par une mémoire encore très vive. A 84 ans (il est né à El Mouradia en 1927), il rappelle le contexte, le déroulement des événements, leurs retombées ainsi que les principaux acteurs, au détail près. Contrairement, à l'idée reçue, les archives découvertes montrent que la police spéciale de Maurice Papon, chargé de détruire le FLN en métropole, balançait les émigrés algériens dans la Seine dès l'été 1961 et pas uniquement au cours de la manifestation du 17 octobre qui a fait «au moins 200 morts», d'après Ali Haroun.