Maître Ali Haroun, ancien membre du comité fédéral de la fédération de France du FLN, a estimé jeudi soir à « 200 au minimum » le nombre d'Algériens tués lors des manifestations du 17 octobre 1961 qui se sont déroulées à Paris. Intervenant lors d'un débat qu'il a co-animé au Centre culturel algérien de Paris avec Jean-Luc Einaudi, chercheur et auteur de l'ouvrage La Bataille de Paris, Me Ali Haroun a souligné la difficulté d'avoir un chiffre exact des victimes de ces manifestations car, a-t-il dit, « de nombreux Algériens comptent parmi les disparus ». « Une chose est certaine, nous sommes très loin du bilan annoncé par Papon, à savoir deux morts. En une seule journée, la police française a procédé à 11 500 arrestations. Même les femmes et les enfants n'on pas été épargnés puisque près de 1000 épouses, mères et sœurs ont été interpellées ainsi que 500 enfants », a ajouté l'orateur. Pour sa part, Jean-Luc Einaudi, qui a effectué des recherches sur ces évènements, a avancé un nombre de victimes supérieur à 200. Lui aussi souligne la difficulté d'avoir un chiffre exact mais, a-t-il dit, « ce fut une véritable boucherie ». « Officiellement, les registres du service médico-légal ne signalent aucun mort pour la journée du 17 octobre 1961. Les cadavres acheminés vers la morgue étaient tout simplement jetés dans la Seine à partir des fenêtres du bâtiment abritant la morgue », a-t-il dit, en rappelant que « cette pratique de noyade a été largement utilisée en 1958 lors d'un premier couvre-feu imposé à Paris sur les Algériens, arrêtés puis torturés au Veld'hiv ». Lors de ce débat, Me Ali Haroun est longuement revenu sur la répression qui s'est abattue sur les manifestants algériens venus à Paris dénoncer le couvre-feu raciste imposé le 5 octobre 1961 par le préfet de police de Paris, Maurice Papon. L'auteur de La 7e Wilaya a auparavant replacé ce tragique événement dans son contexte général, marqué notamment par la reprise des négociations de paix entre la France et l'Algérie et la radicalisation des positions des tenants de « l'Algérie française » avec la montée en force de leur bras armé, la sinistre OAS. En témoin direct et en qualité de membre de la fédération de France, Me Ali Haroun a réaffirmé le caractère pacifique des actions prévues par le FLN pour boycotter le couvre-feu de Papon et mis en exergue la violence de la réaction des policiers français contre les 30 000 manifestants qui avaient déferlé sur Paris à l'appel de la fédération de France. Me Ali Haroun s'en souvient très bien : « La manifestation devait se dérouler le 14 octobre, mais elle a été repoussée au 17. Nous avions opté pour trois étapes. La première journée, tous les militants ainsi que leurs familles devaient sortir après 20 h sur les grandes artères de Paris pour rompre pacifiquement le couvre-feu. » « On s'attendait à une grande vague d'arrestations. Le deuxième jour, tous les commerçants algériens devaient faire grève. Pour la troisième journée, les femmes et les enfants devaient se regrouper devant les commissariats de police et les centres de détention pour réclamer la libération des prisonniers », a-t-il indiqué, selon l'APS qui a rapporté l'information. Me Ali Haroun a longuement parlé des sévices et des pratiques inhumaines et barbares subies par les Algériens dans les camps de détention, dans les commissariats et même dans l'enceinte de la préfecture de police de Paris transformée en un « gigantesque bagne ». Pour Jean-Luc Einaudi, il y a eu ce jour-là « une décision politique de mater la manifestation. On a laissé délibérément les fonctionnaires de police se déchaîner, mener une chasse à l'homme et recourir avec impunité à la violence avec volonté de tuer. » « Nous sommes loin du maintien de l'ordre comme l'affirmait Papon », a-t-il ajouté. L'auteur de La Bataille de Paris a expliqué que la réaction de la police française était farouche.