«ça, c'est ma maison, ça, mon magasin. Tout est détruit». Omar Beifala, 25 ans, tente de nettoyer ce qui n'est plus que ruines, à l'image de Syrte, ville fantôme parsemée de cadavres où l'ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a résisté face aux combattants du CNT et aux militaires de l'Otan. Après des semaines de bombardements quotidiens de l'Otan et de violents combats, des convois de pick-up de combat et de semi-remorques transportant matériel, chars et véhicules détruits quittent la ville. A plus de 10 km du centre-ville, des infirmiers s'activent autour d'environ 175 cadavres recouverts de bâches de plastique blanc, qui doivent être bientôt enterrés : les derniers soldats de Kadhafi, abattus alors qu'ils fuyaient leur convoi d'une vingtaine de 4X4 visé par une frappe aérienne de l'Otan. Au moins 25 autres morts, carbonisés, gisent non loin, au sol ou agglomérés à leurs véhicules. Plus près du centre, l'hôtel Al-Mahari, criblé d'impacts, offre un spectacle tout aussi dantesque : plus de 60 corps pourrissent sur la pelouse. «On en a déjà évacué tellement, je ne sais pas combien... Des centaines, des milliers...» dit Sadouq Al-Banani, «nettoyeur» de l'ONG libyenne Tabiya, masque hygiénique sur le visage. Plus on s'approche du centre, plus la dévastation est grande. Pas un bâtiment épargné par les tirs, la chaussée est jonchée de douilles. Aucune vitre n'est intacte. Tous les magasins sont fermés, et il n'y pas de trace des dizaines de milliers d'habitants de la ville. De temps à autre, une odeur de cadavre en putréfaction empuantit l'atmosphère. De la fumée s'élève par endroits. Le quartier n°2, où le dernier carré des partisans de Kadhafi s'était réfugié, est le plus touché. Il n'y reste que des pans de murs, des toits effondrés, des lampadaires et des câbles électriques tombés à terre, coupant la route sous un sinistre ciel gris. Des détonations retentissent : les combattants continuent de célébrer bruyamment la victoire. Ahmad Ali, un vieillard chenu, quitte la ville au volant de son pick-up. Des matelas et des couvertures couvrent les maigres possessions qu'il est venu récupérer. «Je n'ai plus rien à faire ici. Syrte est finie», lâche-t-il d'un air sombre. «Quelques familles commencent à revenir pour prendre des affaires. Mais personne ne reste, ils repartent aussitôt», confirme Slimane Kilani, combattant de Misrata. Omar Beifala veut pourtant se réinstaller. Avec une dizaine de proches, il balaie les gravats devant l'immeuble vert de deux étages où vivait sa famille. Le bâtiment est éventré, le magasin d'alimentation du rez-de-chaussée est encombré de débris métalliques, les deux étages des logements familiaux ont été pillés.