Le 8 novembre n'est pas uniquement une date inscrite sur un calendrier. C'est aussi le nom d'une rue à El Mouradia (Alger) débouchant directement sur le siège de la wilaya déléguée de Bir Mourad Raïs. Aux numéros 78, 80 et 82 de cette rue, 24 familles vivent le martyre depuis plusieurs décennies dans des positions qui rappellent à bien des égards les bidonvilles de La Casbah et de Sidi M'hamed, pour rester dans le centre-ville de la capitale. La seule différence, c'est qu'ici, rien n'est perceptible à l'œil nu à partir de l'extérieur. Tout se passe à l'intérieur, comme par pudeur. N'importe quel visiteur y enterrera sans doute ses idées reçues sur une commune, El Mouradia, qu'il a toujours pensée riche, de haut standing et où il fait bon vivre. Les familles se définissent elles-mêmes comme étant «les gens de la grotte», à force d'être abandonnées à leur sort malgré des promesses d'évacuation non tenues à ce jour par les autorités locales, pourtant informées de leur cas. En plus de la promiscuité, les locataires de ce bien privé risquent grandement leur vie à tout moment à cause d'un glissement de terrain qui se fait menaçant. Les basses constructions se trouvent en fait de niveau avec la chaussée du côté de la rue 8-Novembre, mais à trente mètres environ sous terre quand on les regarde du côté du chemin Belkacem Takharbouche. Le danger n'est pas nouveau. «En 1984, il y a eu un important glissement de terrain qui a submergé l'usine installée en dessous et bloqué la route à la circulation. Le nettoyage a nécessité l'intervention de gros engins et l'évacuation d'une charge de remblais de plus de 30 camions», se rappelle un habitant. A l'époque, la villa donnant sur le chemin Takharbouche était dotée d'un mur de soutènement qui avait aidé à l'aménagement d'une courette devenue maintenant un dépotoir. Vraisemblablement suite à une forte pluviométrie, le mur a cédé et le remblai a fini dans l'usine. «Evacuation dans les plus brefs délais», selon le CTC Une réplique à ce glissement de 1984 a eu lieu en 2005, avec une moindre ampleur. «Il y a eu des blessés parmi nous», assure un locataire. Les villas surplombant les constructions menacées disposent de jardins avec de grands arbres. Leurs racines ont provoqué des fissures dans un autre mur ancien en béton et en briques. La partie détachée est suspendue sur la tête d'une bonne partie des occupants des lieux. «On craint de nouvelles pluies comme celles de ces derniers jours», indique-t-on. Le 17 octobre, un troisième glissement a été constaté. C'est la goutte qui a fait déborder le vase. Pour les habitants, il a fallu que la presse traite de leur cas pour voir défiler devant eux les autorités locales, l'APC et la wilaya déléguée de Sidi M'hamed territorialement compétente. «Le CTC a inspecté les lieux. Il a fait son rapport préconisant une évacuation dans les plus brefs délais des 24 familles. Le transfert des habitants est nécessaire afin de permettre la réalisation d'un long mur de soutènement qui doit protéger les constructions de la rue du 8-Novembre et les villas du chemin Takharbouche», précise-t-on. C'est à ce titre que les locataires ont approché dernièrement le wali délégué de Sidi M'hamed. «Il nous a dit que le dossier a été transmis au wali», informe un père de famille. La wilaya était à ce moment-là occupée à se préparer à la visite du président de la République dans la capitale, le 31 octobre, et aux festivités commémoratives du 1er Novembre. Après, c'était l'Aïd El Adha. Désormais, plus rien ne peut justifier la non-prise en charge des doléances de ces familles. Seront-elles évacuées ? Notre tentative de s'informer hier matin auprès de l'APC d'El Mouradia n'a pas abouti.