Rachid connaît bien la Turquie, puisqu'il s'y rend quatre à cinq fois par an. Le visa est facile, le pays est beau. Mais il s'en f... éperdument de la beauté des paysages qu'il ne voit pas d'ailleurs. Il va, il achète et revient pour vendre afin de pouvoir repartir. Il lui est même arrivé de se demander ce que peuvent bien aller faire «là-bas» les quelques brebis galeuses qui partagent son avion mais ne vont pas au marché remplir leurs cabas «comme tout le monde». Il en rit même quand, au hasard de l'itinéraire qui le menait de son petit hôtel aux boutiques, il rencontre un compatriote en train d'admirer un vestige historique. Rachid connaît la Turquie mais si vous lui demandez s'il connaît Erdogan, il vous répondra «dans quel club il joue ?» ou poussera la plaisanterie jusqu'à vous retourner la question : «Et lui, il me connaît ?». Quant à Atatürk, il le confondra à coup sûr avec «helwat etturk». Alors, il vous dira qu'il ne la «travaille» pas, puisque son business à lui, ce sont les sous-vêtements et les cosmétiques ! Rachid fait la prière mais ne va pas admirer les mosquées turques, il n'en a ni la passion ni assez de temps. La «philosophie» de ses virées à Istanbul est très terre à terre : rester moins pour dépenser moins et ramener plus. Alors il dort et bouffe sommairement, bourre ses cabas jusqu'à éclatement et saute dans le premier avion pour Alger. Mais ces derniers temps, Rachid a été bousculé dans sa philosophie. Non pas qu'il a passé plus de temps que d'habitude, ça il n'en est pas question, puisque les affaires sont toujours les affaires. On l'a seulement bousculé quand il a entendu au hasard d'une rencontre avec un compatriote brebis galeuse que la Turquie est devenue l'avocat commis d'office pour exiger de la France de reconnaître le génocide commis en Algérie par la France au lieu de pénaliser la négation du génocide commis par la Turquie en Arménie. C'est bien sûr trop compliqué pour Rachid tout ça, mais leblad, c'est leblad, surtout quand il est à… l'étranger. Quand on lui a expliqué ça avec des mots aussi simples que «combien ça coute ?» et «combien de cartons ?», il s'est rappelé qu'il avait déjà entendu cette histoire à Alger il n'y a pas longtemps. Il s'est aussi rappelé que c'était Belkhadem qui en parlait et il s'est dit qu'Erdogan, même s'il venait de découvrir qu'il ne jouait pas au foot, a plus de chance de faire aboutir la chose. Du coup, il a prolongé son séjour à Istanbul de deux jours et est aller faire la prière à la mosquée Aya Sophia en s'attardant sur ses mosaïques. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir