Le parti islamiste au pouvoir à Ankara donne-t-il des signes d'essoufflement ? Le Premier ministre turc, Erdogan, est sur le gril. Son propre parti est en crise avec, notamment, de nombreuses défections et les médias turcs ont fait de lui une cible privilégiée, fustigeant avec férocité son gouvernement. La campagne a commencé dès lors que les images de violences perpétrées par la police contre des femmes pendant une manifestation à Istanbul, début mars, ont fait le tour du monde, principalement en Europe. Erdogan n'a pas trouvé mieux que de mettre l'hostilité à son égard sur le dos de milieux contre l'entrée de la Turquie à l'UE ! L'organisation patronale la plus influente de Turquie a également essuyé un cinglant “mêlez-vous-de-vos-affaires” quand elle s'est jointe au concert de critiques. Le Premier ministre a même envoyé devant les tribunaux un caricaturiste et un magazine satirique, qui l'avaient croqué sous les traits d'un éléphant. Après avoir passé quatre mois en prison à la fin des années 1990 pour avoir récité un poème à connotation islamiste au cours d'un rassemblement politique, il n'avait cesse de se décrire lui-même comme une victime de mesures antidémocratiques établies par les militaires. Selon les détracteurs de son pouvoir, celui-ci est arrivé au bout de ses limites, marquant le pas sur les réformes qui doivent adapter le pays aux normes européennes. L'Exécutif turc tarde ainsi à nommer le négociateur en chef devant conduire les pourparlers avec l'UE et à mettre en application le nouveau code pénal adopté à l'automne 2004 en réponse justement aux exigences européennes. Les plus ardentes critiques d'Erdogan voient dans ces retards la preuve que son gouvernement n'a jamais réellement adhéré à l'idée d'une Turquie dans l'UE, qu'elle n'a défendue que par opportunisme politique. Plusieurs membres de l'AKP ont démissionné, dont 13 parlementaires et un ministre qui, pour absence de volonté dans le cheminement vers la démocratie, voire pour népotisme, corruption et autoritarisme, qui, au contraire, pour non-respect des principes du parti, l'AKP, une formation islamiste qu'Erdogan, à la faveur des législatives de 2002, avait promis de transformer en une sorte de démocratie Islamique, à l'image des démocraties chrétiennes. Le Premier ministre, évoquant les “pommes pourries du panier”, s'est borné à qualifier les défections au sein de son parti et les critiques à l'encontre de son gouvernement de “jalousies politiques”. L'AKP continue de jouir, selon les sondages, d'une forte popularité mais le vers est dans le fruit. Si l'hémorragie métastase, Erdogan sera dans l'obligation d'organiser des élections anticipées… D. B.