Chaque année, c'est le même rituel pour Nacer. Chaque année, il se demande s'il va encore fêter ce réveillon mais il finit toujours par… revenir à la raison ! Pourtant, cette fête n'est pas vraiment une «tradition ancrée»" chez lui, elle est même une habitude récente. Seulement, Nacer a commencé à fêter le réveillon de fin d'année à la même période où des illuminés ont voulu le lui interdire. Et il n'y a pas mieux pour incruster quelque chose chez Nacer que de vouloir le lui interdire. Il se souvient de la première fois et il en rigole encore parce que les prêcheurs de fin d'année ont voulu interdire de fêter le réveillon de fin d'année à des gens qui ne l'ont jamais fêté. Alors ils n'ont rien compris. Nacer se souvient bien de ce vieil homme qui racontait qu'il «pensait qu'on allait lui offrir une bûche et une dinde» quand on est allé le trouver à la maison pour lui poser la question s'il «faisait ça» ou non. Il se souvient aussi de tous ceux qui se sont vite couchés et de ceux qui ont continué à «le faire» honteusement cachés. Mais il se souvient surtout de ceux qui, comme lui, ont «résisté» au discours, avant d'ignorer les menaces. Aujourd'hui, il n'y a plus que «ça» pour motiver Nacer et le pousser à la fête. Un «patrimoine» qu'il ne veut pour rien au monde brader. Il n'a pas bravé la peur et la mort pour céder à l'ennui en temps d'accalmie. Mais il se pose à chaque fois la question : est-ce que ça vaut encore la peine ? La question, il se la pose à lui-même, il n'est donc pas obligé d'y répondre. Par contre, Nacer se sent comme obligé de faire la fête. Déjà qu'on s'amuse très peu, s'il faut encore renoncer au réveillon… Alors, Nacer s'y prépare sérieusement. C'est lui le chef d'orchestre dans le groupe d'habitués qui tournent autour de lui. Ils ne s'en préoccupent jamais, puisqu'ils savent que Nacer va ronchonner un peu, mais finira toujours par «organiser quelque chose». Cette année, il a pourtant maintenu le suspense jusqu'au bout, mais ses copains étaient confiants, même si les femmes des amis ont commencé à s'inquiéter depuis qu'on leur a dit que leurs maris pourraient bien être tentés par une soirée masculin plurielle, ce qui explique les tergiversations de Nacer. Il paraît que ça s'est dénoué hier soir, mais il reste encore quelques détails à régler. Il faut escorter la bûche, cacher le vin, danser sans musique, présenter les livrets de famille au gardien de l'immeuble, trouver quelqu'un à qui confier les enfants et quelqu'un qui puisse conduire pour raccompagner tout le monde. Tout le monde est inquiet sauf Nacer qui pense déjà à l'an prochain. Bonne année. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir