Les protestations sociales enregistrées un peu partout dans le pays ne sont pas alimentées seulement par une injustice dans l'attribution des logements et l'octroi d'emplois, mais par des agissements qui semblent être hérités, au fil des ans, de certains responsables et élus locaux. L'opacité, conjuguée à l'injustice et l'absence d'équité, allument un feu dont la fumée asphyxie de larges pans de la population, malgré la bouffée d'oxygène amenée par une aisance financière et une hausse du prix du pétrole sur le marché mondial. La situation est exploitée par une maffia non pas seulement à des buts financiers, mais aussi à des fins politiques. C'est le cas, par exemple, du dossier du foncier. Depuis 1992, plus de 1 million de lots de terrain à bâtir ont été distribués au niveau du territoire national, note une source sûre. Les attributions qui devraient, depuis déjà les APC/FIS, être faites dans le cadre du social, ont souvent été détournées de leur destination et sont devenues une monnaie d'échange, une carte à jouer, voire un outil de «recrutement» de «militants». Le cas des APC/ FIS illustre parfaitement la situation. Un nombre important de décisions avait été délivré par les élus du parti de Abassi Madani à nombre de ses sympathisants. Les APC/FIS n'avaient finalement fait que relancer la redoutable machine, inspirant bon nombre parmi leurs successeurs de certains partis politiques. Dans l'attribution de 1 million de lots de terrain à bâtir dans le cadre du social, les bénéficiaires devaient s'acquitter d'une somme auprès d'agences de régulation foncière. Ce qui n'a en majorité pas été fait, privant les caisses de l'Etat de milliards de DA. Là n'est pas tout le problème. Selon une estimation faite, les lots de terrains à bâtir, changeant parfois de bénéficiaires d'un mandat électoral à un autre, représentent au minimum 100 000 milliards DA, argent non contrôlé par l'Etat et servant à alimenter la maffia du foncier qui, elle, sert les intérêts de campagnes électorales de certains élus locaux. L'inquiétude est d'autant plus compréhensible que le pays ne s'est pas encore définitivement débarrassé du terrorisme et d'une partie de l'argent pouvant servir à des actions terroristes ou subversives. Le blanchiment d'argent n'est pas en reste quand, comme cela a été constaté dans plusieurs régions du pays, de l'argent sale est utilisé dans l'achat de nombreux lots de terrain. C'est ainsi que nombre de lots de terrain changent de bénéficiaires d'un mandat à l'autre, selon des critères pas toujours liés au caractère social. Le tout est soutenu par un vaste trafic de faux documents permettant la poursuite de la délivrance de décisions d'attribution de terres déjà attribuées des années auparavant. Ajouté à tout cela, le fait que des lots de terrain ont été attribués à des entrepreneurs et autres «privilégiés» très liés à des élus locaux dans le cadre du social. Les terres à vocation agricole n'ont pas échappé à la déferlante. Les correspondances officielles faites par des responsables à d'autres responsables pour intervenir et obtenir la cessation de la dilapidation du foncier agricole n'ont pas toujours été prises en considération. Pour l'exemple, et dans une correspondance (référenciée sous le numéro 7081/ DSADR/F/ 08) dont nous possédons une copie, la direction des services agricoles et du développement rural (DSA) de la wilaya d'Alger avait saisi, le 17 novembre 2008, le directeur de l'urbanisme de cette wilaya sur des «constructions illicites», avec copie au wali délégué de la circonscription administrative de Bir Mourad Raïs et au directeur des domaines de la wilaya d'Alger, et copie pour information au président de l'APC de Birkhadem. «Dans le cadre du dispositif réglementaire mis en œuvre (brigade d'urbanisme) pour lutter contre les constructions illicites, j'ai l'honneur de vous informer que les agents de la subdivision agricole de Birkhadem ont signalé un début de travaux de construction perpétré par un indu occupant sur les terres de l'exploitation agricole collective n° 06 de l'ex-DAS Si Abderrahmane de la commune de Birkhadem», lit-on dans la correspondance. «A ce titre, il y a lieu de dépêcher la brigade de l'urbanisme pour interrompre la poursuite des travaux et engager la procédure de démolition conformément aux dispositions législatives en vigueur, et les exploitations agricoles reconnues coupables de ne pas avoir empêché par tout moyen de droit les constructions illicites seront poursuivies pour manquement aux obligations, conformément au décret n° 90-51 fixant les modalités de déchéance des droits de jouissance», est-il ajouté dans la correspondance. Il y a quelques jours, et malgré la correspondance, des travaux de terrassement étaient menés sur une partie de ces terres. La correspondance citée n'est pas la seule à avoir été ignorée, puisque des instructions émanant du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, faites en 1999, l'instruction présidentielle 005 du 14 août 1995 et d'autres encore avaient connu le même sort.