Plusieurs partis laïques égyptiens se sont retirés mardi de la commission chargée de rédiger la future Constitution du pays, accusant les islamistes, majoritaires au Parlement, de vouloir en faire un outil au service de leurs ambitions. Ces retraits aggravent la crise entre les islamistes et les partis laïques libéraux et de gauche sur la rédaction de la loi fondamentale qui régira la vie politique de l'Egypte post-Moubarak, à deux mois du premier tour de l'élection présidentielle, les 23 et 24 mai. "Nous annonçons aujourd'hui notre rejet de la manière dont la commission constituante a été formée", a déclaré Ahmed Saïd, chef du parti des Egyptiens libres, l'un des plus importantes formations libérales du Parlement, lors d'une conférence de presse avec d'autres représentants politiques laïques. Le week-end dernier, les deux chambres du Parlement, dominées à plus de deux tiers par les partis islamistes, ont voté pour former cette commission de 100 personnes, composée pour une moitié de parlementaires et l'autre moitié de personnalités choisies hors du Parlement. Les élus des formations laïques se sont retirés de ce vote, en dénonçant la volonté des formations islamistes -Frères musulmans et radicaux salafistes pour l'essentiel- de dominer cette commission en ne leur laissant que la portion congrue. Des personnalités laïques, largement minoritaires avaient toutefois été désignées par les islamistes pour y siéger. La composition donne de fait une large majorité -37 sur 50- des sièges réservés aux parlementaires à des islamistes, qui occupent aussi de nombreux sièges réservés aux autres personnalités. Les femmes et la communauté chrétienne copte n'ont que quelques sièges. "Il s'agit d'écrire la Constitution de l'Egypte, pas celle d'un groupe majoritaire". Dans sa composition actuelle, la constitution "va être rédigée en fonction de l'islam politique", a protesté M. Saïd. Ziad Bahaa Eldin, un député du parti social-démocrate, a également indiqué que les membres de son parti présents dans la commission avaient décidé de s'en retirer, tout comme d'autres personnalités libérales et de gauche. "Ce n'est pas une affaire partisane, il s'agit de l'avenir de ce pays et du droit des Egyptiens à écrire leur Constitution sans qu'elle soit biaisée politiquement", a-t-il ajouté. La Cour administrative du Caire a dans le même temps commencé d'examiner des recours contre la légitimité de la commission constituante, présentés par des juristes affirmant que la loi fondamentale ne pouvait pas être rédigée par des parlementaires dont elle sera sensée définir les pouvoirs. Plusieurs dizaines de manifestants se sont rassemblés devant la Cour pour dénoncer une mainmise des islamistes sur le processus constitutionnel. La future Constitution égyptienne devra notamment se pencher la question sensible de la place de la religion dans les affaires publiques, en particulier celle de la charia (loi islamique). Cette crise se double d'une montée des tensions entre le Conseil militaire, qui tient les rênes du pays depuis la chute de M. Moubarak, et les Frères musulmans, qui détiennent près de la moitié des sièges de députés. La confrérie a intensifié depuis plusieurs jours ses pression pour un départ du gouvernement du Premier ministre Kamal al-Ganzouri, nommé par les militaires et qui occupa déjà cette fonction sous M. Moubarak.