Pas moins de onze exploitations agricoles collectives parmi les treize EAC que compte le domaine agricole social (DAS) Hamdani-Amar, de Draâ Ben Khedda, sont menacées de disparition. La raison est liée au contentieux existant entre les exploitants, forts de leurs documents d'attribution dans le cadre de la loi 87/19 du 8 décembre 1987, portant restructuration du domaine autogéré, et les ex-propriétaires des terres que l'Etat a mis sous sa protection au lendemain de l'Indépendance. Le fond du problème se situe, comme l'ont expliqué hier les membres de plusieurs EAC du DAS Hamdani-Amar, dans un point de presse organisé au niveau de l'EAC n°1 de Draâ Ben Khedda, dans les arrêtés de restitution signés par l'ex-wali, Mustapha Benmansour, en 1992, au profil des ex-propriétaires. «Des arrêtés qui ne sont basés sur aucune loi», tiennent à préciser les exploitants. Il faut préciser que les terres exploitées durant les années de la guerre de libération par les colons, en collaboration avec certains citoyens algériens, ont été mises sous protection de l'Etat en 1964. Par la suite, elles ont été nationalisées dans le cadre de la Révolution agraire. Avec la création des EAC en 1987, les agriculteurs bénéficieront de titres d'attribution, avant que leurs terres ne soient immatriculées en 1994 et arrachées du livre foncier en 2008. Les exploitants qui crient à «l'injustice», expliquent que les arrêtés signés par l'ex-wali de Tizi Ouzou, en se référant à la loi 90/25 du 18 novembre 1990, relative à l'orientation foncière, «sont infondés, puisque l'article 76 de la même loi stipule clairement que la restitution ne peut concerner que les terres nationalisées dans le cadre de la révolution agraire, non pas celles mises sous protection de l'Etat après l'Indépendance». Pis, les collaborateurs de la France coloniale, dont la famille Smaïl de Draâ Ben Khedda, à qui des terres ont été confisquées, ont été indemnisés par l'Etat français. «Le caïd Smaïl Lounès, après son exil, avait été indemnisé par l'Etat français et installé dans une ferme à Montauban (France)», lit-on dans un complément d'enquête de la kasma des moudjahidine de la commune de Tirmitine. Une autre loi vient appuyer le droit des exploitants actuels des EAC, qui n'est autre que celle portant le n° 95/26 du 19 septembre 1995, complétant et modifiant la loi 90/25. Il est clairement indiqué dans cette loi que les arrêtés de restitution pris en contradiction avec la loi 90/25 sont déclarés nuls et sans effets. Ce qui est le cas des arrêtés signés par l'ex-wali M. Benmansour, au profit de la famille Smaïl. La restitution légale, stipule la loi, est conditionnée par le fait que «le bénéficiaire n'ait pas eu un comportement indigne envers la révolution de Novembre 54». Longue confrontation devant les tribunaux Les héritiers de la famille Smaïl et les exploitants possédant le livre foncier ont été poussés à la confrontation devant les tribunaux, puisque les uns comme les autres possèdent des documents attestant leurs droits. La justice a tranché en faveur des héritiers. Décision : les exploitants seront expulsés des EAC. «L'administration locale est restée spectatrice devant ce fait depuis les années 90. Il a fallu plus de 12 ans, soit en 2006, pour que les domaines se manifestent pour demander l'annulation des arrêtés de restitution signés en 1992», dénoncent les orateurs. Un procès devant la chambre administrative de la cour de Tizi Ouzou est actuellement en cours, dans lequel les domaines se sont mis du côté des exploitants pour demander l'annulation des arrêtés. L'affaire est programmée pour aujourd'hui. Par ailleurs, les membres des EAC du DAS Hamdani-Amar tiennent à dénoncer «le détournement de la vocation des terres agricoles à des fins commerciales par les ex-propriétaires». Ces derniers se permettent, en effet, de louer les terres pour les exploiter en casse-auto et fabriques de parpaings. Ce n'est pas tout, puisqu'ils ont même bénéficié «illégalement» de l'indemnisation lors du transfert d'eau du barrage Taksebt vers Alger, «empochant 22 milliards de centimes», précise l'un des agriculteurs. Enfin, les exploitants portent un espoir pour la loi 10/03 du 15 août 2010, fixant les conditions et les modalités d'exploitation des terres agricoles du domaine privé de l'Etat. «Celle-ci pourra mettre fin définitivement au conflit et trancher en notre faveur», estiment-ils. Ils interpellent, en outre, les autorités locales, notamment le wali, afin de les rétablir dans leur droit. Faute de quoi, menacent-ils, «des actions de rue ne sont pas à écarter».