Le Forum France Algérie, un regroupement indépendant et apolitique de personnes et d'organisations souhaitant promouvoir la place des Franco-algériens dans la société française, a interpelé de nouveau les candidats à la présidentielle en France sur la reconnaissance par la France de ses crimes coloniaux. Intervenant à une dizaine de jours du scrutin, ce rappel a pour objectif de connaitre les positions des postulants à la magistrature par rapport au fait colonial et de dire que "la France, supposée être la patrie des droits de l'homme, et qui veut criminaliser la non reconnaissance du génocide arménien, nous met dans le droit de lui demander de reconnaitre ses crimes commis durant 132 ans de colonisation en Algérie", a indiqué le président du FFA, Farid Yaker, lors d'une rencontre-débat organisée jeudi soir à Paris. "Notre propos est de simplement appeler la France à prendre ses responsabilités pour qu'elle puisse laver son honneur et essayer de ressortir plus forte de cet exercice de mémoire et d'aider à la cohésion nationale parce que des centaines de milliers de personnes attendent cette reconnaissance pour mieux rapprocher les communautés et apaiser toutes les tensions", a-t-il dit. Le militant anticolonialiste Henri Pouillot a relevé que la France n'a, à ce jour, pas reconnu la nature du colonialisme et ses effets. "Même pire, depuis 2002, on constate une résurgence et une volonté de réhabiliter le colonialisme, qui s'est traduite dans la loi du 23 février 2005, une loi inique qu'il faudrait purement abroger", a-t-il déploré, fustigeant les hommages officiels "continuellement rendus" par la France à des criminels de l'OAS. Les intervenants ont également critiqué les différentes lois françaises amnistiant les criminels de guerre. Le président de l'association Au nom de la Mémoire, Mehdi Lallaoui, a rappelé qu'il y eu six lois d'amnistie, de 1962 jusqu'au président à Jacques Chirac, dont celle du 23 février 2005 qui indemnise, dans son article 10, les assassins de l'OAS. Jusqu'à 2012, a-t-il dit, "nous sommes en train d'indemniser ces personnes en payant leurs pensions et en les amnistiant de leurs crimes". Pour l'écrivain et réalisateur, ce qui est réclamé aujourd' hui c'est la justice. "Ce n'est pas la justice coercitive. Dans le mot justice, il y a connaissance et reconnaissance" des crimes coloniaux, a-t-il précisé, se disant "triste" que cette année 2012, cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie, "ne soit pas l'occasion unique pour le gouvernement français de jeter des passerelles de fraternité". "Le propos est de dire que, cinquante ans plus tard, il est temps de partager pour que les jeunes générations puissent comprendre ce qui s'est passé", a ajouté le responsable associatif. Dans un questionnaire adressé en mars dernier aux dix candidats à la présidentielle française, le FFA se propose d'attirer l'attention et éclairer le débat électoral sur un certain nombre de thèmes qu'il souhaite mettre en avant dont celui du mémoriel. Sur cette question, l'association affirme que la France "se doit de reconnaître que sa politique coloniale a été menée en contradiction avec ses principes républicains de liberté, d'égalité et de fraternité". "La reconnaissance des fautes et crimes commis durant la période coloniale permettrait à notre pays de faire une fois pour toutes le deuil de l'épisode algérien tout en se projetant vers le futur", soutiennent-ils. Le FFA réclame également le restitution des archives, affirmant qu'en 1962, la France a quitté l'Algérie en emportant les archives civiles du pays, contraignant ainsi les autorités algériennes à un épuisant travail de reconstitution et rendant plus difficile la mise en place de l'administration du territoire libéré. Dans son questionnaire aux candidats à la présidentielle, le FFA a soumis des propositions qu'il souhaite voire insérées dans leur programme électoral. Parmi celles-ci, le Forum appelle à la reconnaissance des crimes d'Etat sur le sol français en 1961/62, désignant la répression sanglante des Algériens lors de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris, et la manifestation du 8 février 1962, au métro Charonne, contre les crimes de l'OAS et pour la paix en Algérie. La conférence-débat sur la mémoire franco-algérienne est la troisième du genre que le FFA organise depuis mars dernier, après celles se rapportant à la diversité et la citoyenneté, et à l'immigration et le co-développement.