L'avant-projet de loi sanitaire, élaboré par le ministère de la Santé, préparé par un comité d'experts et commandé par le président de la République, compte pas moins de 492 articles. Il préconise la création d'agences de district sanitaire, d'agences régionales sanitaires qui seront chargées d'évaluer entre autres les besoins de la population en terme médical, d'établir des programmes régionaux de santé, d'assurer la coordination et la supervision des activités sanitaires, d'affecter les ressources aux établissements et aux structures sanitaires publiques et privées... Une évaluation et une analyse des établissements de santé publics, privés, ainsi que des pratiques professionnelles sur des critères et des référentiels portant sur les procédures, les pratiques cliniques et les résultats des différents services cliniques, seront mis en place afin d'obtenir une accréditation qui sera désormais gage de qualité de ces établissements. Par ailleurs, en matière de financement, selon cette nouvelle loi, le système de santé sera financé par les organismes d'assurance sociale, les paiements directs de certains usagers et la mise en place d'une contractualisation. Le ministère de la Santé aurait sommé les directeurs généraux des différents établissements de la santé de réunir l'ensemble du corps médical avant le 16 mai afin de débattre de cette loi. Le secrétaire général du Syndicat national des enseignants chercheurs hospitalo-universitaire M. Djidjeli a déjà réagi à cette instruction de la tutelle, indiquant que cette méthode est un faux débat auquel il ne faut pas participer car soumis à la précipitation et à l'improvisation la plus totale et qu'il ne faut surtout pas cautionner par une présence des corps de la santé. Joints par téléphone, d'autres syndicats ont réagi à cette démarche. Ainsi, M.Yousfi, le secrétaire général du Syndicat national des praticiens spécialistes (SNPSSP), condamne cette procédure qu'il qualifie de «fuite en avant car, elle a exclu tous les partenaires sociaux». Et de préciser : «Nous sommes en pleine grève, nous sommes même interdits d'entrée au ministère de la Santé depuis un mois, chose qui n'a jamais existé depuis l'Indépendance». Aussi, il s'interroge sur le timing choisi par la tutelle. Et de dénoncer : «Le ministre choisit une période de vacance du gouvernement, on fait sauter le dossier en pleine élection, car, l'on veut le bloquer avant qu'il y ait la mise en place de la nouvelle APN, cela nous informe sur le niveau d'importance que le ministre octroie à cette loi, qui est pourtant une loi fondamentale.» Et de rappeler qu'actuellement, la loi qui régit la santé date de 1985. Par ailleurs, le secrétaire général du SNPSSP est revenu sur les évènements qui se sont déroulés en février 2011, à savoir la conférence nationale sur la santé à Club-des-Pins où tous les syndicats du corps médical et le conseil de l'ordre s'étaient retirés car perçue comme une simple formalité pour justifier un projet déjà ficelé. Il précisera : «Suite à cela, les syndicats avaient été reçus par le directeur de cabinet de la présidence de la République et ordre avait été donné au ministère de la Santé de revoir sa copie en associant les syndicats. En mars 2011, le président s'était alors engagé à ne rien promulguer sans notre partenariat. Depuis cette date, silence radio et, fin avril 2011, on ressort le dossier sans que la présidence ou les partenaires sociaux ne soient concertés.» Pour lui, «ces débats, auxquels doit participer la profession, relèvent d'une mascarade. Les instructions du président n'ont pas été suivies, donc, c'est un non-évènement». Et d'ajouter : «C'est un moyen pour la tutelle de faire oublier sa gestion catastrophique des dossiers de la santé. Nous n'avons qu'à comptabiliser le nombre de grèves et de protestations qui se sont déroulées au cours de ces dernières années. Il veut mettre l'opinion publique devant le fait accompli alors que la loi sanitaire est essentielle au bon fonctionnement du système global de santé.» Il condamne le forcing de la tutelle, les calculs en termes de timing. «Réunir l'ensemble de la corporation avant le 16 mai est une insulte à cette loi sanitaire que l'on expédie à la va-vite, mais, le ministre nous a habitués à ce genre de procédure, à savoir faire passer un dossier en catimini sans négociation au préalable avec les partenaires sociaux». Il s'interroge : «De quoi a peur la tutelle ?» Des lois qui devraient se faire en associant les partenaires sociaux Pour M. Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), cette démarche est une méthode propre à la tutelle à laquelle son syndicat ne peut souscrire puisque d'emblée, elle a exclu tous les principaux acteurs de la santé et ne garantit nullement la liberté d'expression et une marche de manœuvre afin d'enrichir le texte. Selon lui, la méthode de réflexion sur la loi sanitaire a été insuffisante pour ramener la réflexion au niveau escompté. Il ajoutera : «C'est une démarche propre à l'administration, nous l'avons rejetée. Par ailleurs, nous avions boycotté la conférence nationale sur la santé il y a un an.» Il rappellera les engagements donnés par le directeur du cabinet d'Ould Abbas, qui devait regrouper tous les syndicats de la corporation afin de parfaire la loi en associant ces derniers. «J'estime que cette loi devrait se faire en associant toutes les catégories concernées par le secteur médical, à savoir les syndicats, les associations de malades, le Conseil de l'Ordre des médecins, celui des pharmaciens, les associations nationales, la Caisse d'assurance maladie...» Selon lui, la politique concernant le secteur de la santé doit fonctionner avec des paramètres précis tels que les assises juridiques, administratives, des ressources financières. Il dira également : «Nous avons constaté que tous ces éléments n'étaient pas réunis, c'est une démarche du ministère de la Santé. Qu'il l'assume. Cela fait un an pratiquement jour pour jour que nous avions eu des garanties quant à la concertation sur l'élaboration de la loi sanitaire, les orientations avaient été données, mais rien n'a été fait. Le ministère a fait du stand-by. Il décide de discuter avec ses interlocuteurs tels que les directeurs de la santé. J'estime que ce débat n'est pas ouvert. Il y a beaucoup de censure autour de cette loi et les orientations qui seront données nous ne pourrons les cautionner.» Les syndicats du secteur de la santé publique ont dénoncé unanimement leur «exclusion» et «la précipitation» dans l'élaboration de l'avant-projet de loi sur la politique sanitaire qui devait s'étaler sur une vingtaine d'années. Nombreux sont ceux qui dénoncent une démarche initiée en totale absence de concertation, sans une réflexion approfondie sur les déficiences existant dans le système de santé en vigueur. Il y a un an déjà, ces derniers dénonçaient : «On veut qu'on travaille, qu'on produise des propositions sur des axes qu'ils ont arrêtés pour nous dans des comités qu'ils ont eux-mêmes installés pour nous. Nous demandons un dialogue véritable pour que tous les partenaires puissent participer vraiment à ce projet qui engage le secteur pour les années à venir.» Une requête laissée lettre morte.