Faire campagne sur le même marché sans se croiser : c'est l'exercice auquel se sont livrés vendredi 25 mai à Hénin-Beaumont les deux grands adversaires de la présidentielle, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, qui se retrouvent aux législatives dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais. "Il va me sauter à la gorge ? Me mordre le mollet ?". Dans sa permanence de campagne, la présidente du Front national joue l'ironie en évoquant le leader du Front de gauche, venu la défier sur ses terres d'élection, une nouvelle fois au nom du combat contre l'extrême droite. "On s'évite, on s'évite pas... On va pas se frapper parce qu'on se croise. Je suis allé dans des endroits où elle ne peut pas aller. (...) Dans les usines, ils vont la découper en rondelles", lance Jean-Luc Mélenchon au milieu des étals, ajoutant que son adversaire "existe à travers des votes. Elle rentre dans les maisons des gens par la radio et la télé, pas par les militants". Sur le marché, Marine Le Pen, déjà candidate ici en 2007, semble chez elle. "Bonjour Marine", "merci Marine", "allez Marine". Flanquée de son suppléant Steeve Briois, qui laboure le terrain depuis des années, la présidente du FN distribue ses tracts sans aucune difficulté. Des femmes voilées lui marquent leur sympathie, ce qui ne l'empêchera pas de déclarer plus tard que "chaque fois que quelqu'un vous dit 'je vais voter Mélenchon', c'est un Français d'origine algérienne". Au passage de Marine Le Pen près de ses étals, Tarek lance à voix haute: "Melon marocain", "clémentine d'Algérie". Lui aussi appelle "Marine" par son prénom, mais "quand elle parle, elle a toujours l'immigration, l'immigration, l'immigration, alors que les priorités, c'est le travail, le pouvoir d'achat". Coïncidence ou pas, Jean-Luc Mélenchon est arrivé quand Marine Le Pen terminait le marché, à l'autre bout, écharpe rouge, œillet rouge dans la poche de sa veste noire, accueilli par les "On lâche rien" de militants du Front de gauche. Des riverains se bousculent pour saluer "Jean-Luc" ou prendre une photo, évoquer les mines, le communisme. D'autres demandent "c'est qui ?" ou passent leur chemin. "J'espère vous l'avoir collée, la maladie du rouge", s'exclame Jean-Luc Mélenchon, quand l'un d'entre eux refuse de lui serrer la main. "Des gens sont contents de me voir, certains ne sont pas contents de me voir là, c'est la démocratie", résume-t-il, se disant "frappé" par la "gentillesse" des gens, alors que "peu d'endroits en France ont souffert comme ici". "Si le Parti socialiste ne s'était pas écroulé dans les affaires, elle (Marine Le Pen) n'aurait pas pris pied ici. Ce n'est pas parce qu'on souffre qu'on est voué à voter Front national. On essaye de reprendre le terrain", poursuit le leader du Front de gauche, qui doit dépasser le candidat socialiste Philippe Kemel pour affronter la chef du FN au 2e tour. "A Hénin, il y a personne qui est mieux que l'autre. M. Mélenchon parle bien fort, exprime bien ses idées. C'est lui qui va faire le trou", estime Mohammed Ferdi, invitant le chaland à acheter son "poulet Mélenchon". Sur son étal, trônent néanmoins des tracts de chaque parti.