L'Espagne s'est débarrassée à l'Euro 2008 de son étiquette d'éternelle vaincue avant de triompher en Coupe du monde il y a deux ans, acquérant par là un statut d'équipe à battre qu'aucun adversaire ne lui conteste. Après avoir écrit sa propre histoire, elle révisera celle du football si elle conserve son titre européen puisqu'aucune nation n'a jamais gagné l'Euro deux fois d'affilée et qu'aucun pays au monde ne s'est adjugé trois trophées majeurs consécutivement. L'Espagne était jadis en proie à la "malédiction des quarts de finale", où elle semblait systématiquement buter sur une marche trop haute, comme à l'Euro en 1996 et en 2000 ou à la Coupe du monde en 1994 puis en 2002. Il y a quatre ans, ses supporters ont bien cru que leur équipe allait perpétuer cette malheureuse tradition lorsque l'Italie a tenu le 0-0 jusqu'au bout pour contraindre la "Roja" à une séance de tirs au but. Mais la chance avait changé de côté et les arrêts du gardien Iker Casillas ont envoyé l'Espagne en demi-finale. Au soulagement a succédé un regain de confiance qui a permis à l'Espagne d'empocher le titre continental puis de coiffer, avec moins de brio mais un surcroît d'efficacité, la couronne mondiale. Vincente Del Bosque, sélectionneur champion du monde, a poursuivi son œuvre à la tête d'une Espagne favorite à sa propre succession, et dont le jeu reste fondé sur la possession du ballon et des élans offensifs inspirés. "Bien sûr nous sommes favoris puisque nous sommes les champions d'Europe et du monde en titre, et il semble que nous ne pouvons pas y échapper", a dit Del Bosque à Reuters en mars. "Mais les Pays-Bas et l'Allemagne, qui ont fini deuxième et troisième de la Coupe du monde, sont aussi des favoris évidents, d'autant plus après leur campagne de qualification impeccable." "Ensuite, vous avez l'Angleterre, l'Italie, la France, le Portugal qui ont toutes d'excellents joueurs. Et dans un tournoi relativement court il peut arriver qu'un pays soit sur une bonne dynamique et gagne, comme la Grèce en 2004." Successeur de Luis Aragones après l'Euro 2008, Del Bosque n'a procédé qu'à des ajustements mineurs dans son équipe, déjà consciente de ses capacités et bien organisée. L'Espagne a démontré en qualification qu'elle ne perdait rien de sa superbe avec les années en gagnant ses huit matches. Seule l'absence de David Villa, insuffisamment remis d'une blessure, peut troubler sa quiétude. Sans l'attaquant de Barcelone, qui affiche 51 buts en 82 sélections, l'Espagne n'aurait pas régné sur les deux dernières compétitions qu'elle a disputées. Del Bosque se retrouve donc devant une équation complexe d'autant que les performances du remplaçant naturel de Villa, Fernando Torres, constituent une inconnue supplémentaire. Depuis son arrivée à Chelsea il y a un et demi, "El Nino", auteur du but du titre européen en 2008, n'a jamais semblé en pleine possessions de ses moyens et a vécu des mois de galère. Les derniers mois témoignent d'un retour progressif à un niveau plus conforme à son standing, même s'il a peu goûté d'avoir commencé la finale de la Ligue des champions sur le banc. Derrière, les avant-centres de Bilbao et Séville - Fernando Llorente et Alvaro Negredo - poussent et l'un d'eux devrait débuter en pointe, à moins que Del Bosque ne privilégie un onze sans buteur de métier. L'excellence de son milieu de terrain, où peuvent être associés Andres Iniesta, Xavi, Cesc Fabregas et David Silva, tous capables de marquer beaucoup, lui offre un très large éventail de solutions, d'autant que les sentinelles Xabi Alonso et Sergio Busquets les libérent des tâches obscures. "Nous avons depuis près de quatre ans une équipe stable, une équipe nationale qui n'a pas subi de grands changements", se félicite Del Bosque. "Oui, nous avons la qualité, oui, nous avons le bon système de jeu et oui, nous avons la flamme pour disputer le titre."