La circulaire n° 847 du 29 septembre, se basant sur la loi 08-04 du 23 janvier 2008 relative à l'orientation sur l'éducation nationale, concrétise «le principe de l'égalité des chances» en matière d'enseignement. C'est ainsi qu'elle insiste sur la scolarisation obligatoire dès l'âge de six ans et ce, jusqu'à 16 ans. Cependant, selon des spécialistes, plus de 500 000 élèves sont exclus annuellement de l'école algérienne. Ce serait 15% des élèves inscrits depuis la première année primaire qui atteindraient la phase universitaire, alors que 50% d'entre eux abandonnent le milieu scolaire une fois arrivés au lycée. Ainsi, la déperdition scolaire est un phénomène qui, au fil des années, s'est aggravé. Cette problématique devient un enjeu de société tel que les acteurs du secteur de l'éducation s'en alarment. L'école n'accomplit plus son rôle d'épanouissement, d'apprentissage et de développement de la personnalité de l'enfant. A l'heure des bilans de fin d'année scolaire, nous nous interrogeons sur ce phénomène. Joints par téléphone, des syndicalistes du monde éducatif se sont attachés à répondre à nos questions. Ainsi, en ce qui concerne le taux d'élèves qui, à l'échelle nationale, quittent le système scolaire sans avoir de diplôme BEM ou bac, M. Hakim Aït Hamouda, chargé de la communication du Syndicat national des travailleurs de l'éducation (SNTE), nous indique qu'il est encore tôt pour se prononcer sur le chiffre exact, d'autant que les résultats du bac et du BEM n'ont pas été encore annoncés. Cependant, en règle générale, la déperdition scolaire concerne les sections allant du primaire au lycée. Et de préciser : «Pour le primaire, c'est la cinquième année qui est concernée ; pour le moyen, c'est la quatrième année ; et pour le lycée, la seconde. Aussi, si les élèves obtiennent leur passage vers le lycée, et ce, malgré un niveau faible, on observe en fin de compte que c'est 5 à 10% des élèves qui vont quitter le lycée.» Les causes de cet échec, selon lui, se trouvent au niveau du système éducatif. Ainsi, indique-t-il, «la faute en incombe à la réforme du système éducatif mise en place par Benbouzid en 2002 qui concernait les 3 cycles». Et de préciser : «Dans cette réforme, c'est la quantité qui a primé sur la qualité. On a voulu trop bien faire, importer des programmes d'outre-mer, mais nous n'avons pas su les mettre en œuvre d'une manière efficace. Ainsi, les élèves ont eu des difficultés à assimiler les connaissances requises. Ce qui en résulte, c'est que sur une classe de 30 élèves, on a un pourcentage de réussite de 50%, ce qui signifie que l'autre moitié quitte le système scolaire. La formation des professeurs a fait défaut, nous ne sommes pas arrivés à construire une école conséquente, d'un bon niveau. En fin de compte, c'est l'enfant qui paye cette carence.» Dénoncer la faiblesse du niveau général Aussi, il indique que le rôle des parents n'est pas anodin. Ces derniers ont perdu confiance en l'école, en général, et en l'éducateur, en particulier. Ils payent des cours privés à leurs enfants car ces derniers n'assimilent pas les leçons en classe. Et d'ajouter : «Il faut que l'école reprenne sa place dans l'éducation des enfants. La réforme dont on parle doit être corrigée le plus rapidement possible. Il ne faut pas se voiler la face, mais dénoncer la faiblesse générale du niveau. Le BEM a été d'une facilité tel que l'on a invité les plus médiocres des élèves à intégrer le lycée. De mon point de vue, l'année prochaine, 50% des élèves quitteront la seconde, car on a doublé le nombre des élèves qui vont rejoindre le lycée.» Ces solutions pour lutter contre la déperdition scolaire sont centrées autour de l'orientation scolaire et de la pédagogie envers les parents qui ne doivent plus sous-estimer les métiers de l'artisanat, du bâtiment et autres. Et de préciser : «Il n'y a pas de sous-métiers, les parents doivent le comprendre. Je souhaiterais que les enfants qui n'ont pas le niveau requis pour continuer dans la voie générale, soient pris en charge dès la cinquième année, et ce, jusqu'à la terminale afin de leur donner une chance d'avoir un avenir. Aussi, c'est à l'enfant lui-même, et non pas à ses parents qui voudraient faire de lui un médecin, de choisir sa voie.» Et de conclure : «La société a changé. Il faut trouver des solutions adéquates en conformité avec notre époque afin de sauver notre école. Par ailleurs, les acteurs du système scolaire, le ministère de la Formation et celui de l'Education doivent se concerter pour mettre en œuvre une réforme à même de lutter contre la déperdition scolaire.» Créer des passerelles entre le système éducatif, l'enseignement et la formation professionnels De son côté, le secrétaire général du Syndicat national autonome des professeurs du secondaire et du technique (Snapest), M. Meziane Meriane, nous indique que pour connaître le pourcentage d'élèves en déperdition scolaire, il faut un échantillon de départ. Il précise que ce dernier doit se baser sur l'inscription en première année et le nombre des élèves qui arrivent au BEM, puis au bac. «Si on se réfère au nombre de candidats au BEM qui est de 760 000, le nombre d'élèves qui passent au lycée, en optant pour 75% de réussite et 25% d'échec, cela nous donne 190 000 élèves en déperdition au collège, en plus des recalés au bac. Les chiffres demeurent importants.» Il préconise de créer des passerelles entre le système éducatif, l'enseignement et la formation professionnels pour absorber cette déperdition. «A l'Indépendance, la rentrée scolaire de l'année 1962-1963, tous cycles confondus, comptait 829 000 élèves scolarisés. Aujourd'hui, il y en a 8 millions. Un effort gigantesque a été mis en œuvre afin de lutter contre l'analphabétisme, mais l'incapacité intellectuelle de certains élèves, le rang social, la pauvreté sont des facteurs qui ont mené certains élèves à l'exclusion après l'âge de 16 ans. Et lorsque l'enfant est livré à lui même bien avant cet âge, c'est souvent à cause de la précarité des familles.» Selon notre interlocuteur, les causes de l'échec scolaire sont liées à divers facteurs. Il cite les différentes politiques éducatives appliquées pendant des années avant la mise en place de la nouvelle réforme qui a enfermé les élèves «dans un moule abrutissant, leur faisant perdre tout raisonnement rationnel». L'échec, dira-t-il, est la conséquence d'une situation difficile que vit l'enfant sans pour autant qu'elle soit comprise ou même perçue par son entourage. «Le véritable échec scolaire est une situation individuelle complexe dans laquelle les résultats scolaires ne sont qu'une partie visible d'un problème plus vaste qu'il faudra bien considérer dans ses causes et sa diversité (dixit un pédagogue)», précise-t-il. Assouplir les programmes dès le primaire Sa solution consiste à élaborer des tests psychologiques et psychotechniques afin de déterminer la capacité intellectuelle et pédagogique de l'élève dans le cadre de son orientation scolaire. La motivation de l'élève passe par la suppression de certaines matières à l'école primaire, afin de lui dégager du temps qui va lui permettre de s'épanouir, de lui donner le temps nécessaire pour assimiler et faire des activités culturelles permanentes. «Il doit faire bon vivre dans nos établissements comme dans le bon vieux temps, les années soixante, les années soixante-dix», souligne-t-il. Et d'ajouter que «la formation et l'enseignement professionnels n'absorbent pas toute la déperdition. La suppression des études techniques n'a rien arrangé. Beaucoup reste à faire. Le phénomène de déperdition scolaire n'est pas inhérent à l'Algérie. Si des efforts gigantesques ont été accomplis dans le cadre de la formation professionnelle, il n'en demeure pas moins qu'elle reste en inadéquation avec le marché du travail. Ce qui fait que de nombreux jeunes tombent dans l'informel, faute de poste d'emploi.»