Les escrocs le savent, ils ne peuvent escroquer que là où c'est possible de le faire, c'est une lapalissade. Mais comme personne n'a encore dit que les lapalissades ont cessé d'être «utiles», on reviendra à chaque fois le rappeler, sous forme de constat d'impuissance. Ce n'est qu'une fois que le forfait est consommé qu'on haussera donc les épaules pour dire que finalement, il ne pouvait en être autrement. En la matière, l'arnaque au logement tient le haut du pavé. Parce que l'escroquerie prospère aussi – ou surtout – sur le terrain du désarroi social et que le logement en est la plaie la plus douloureuse, il n'est donc pas étonnant qu'il soit le «créneau porteur» des escrocs. Tellement porteur qu'il se «popularise», au point de ne même pas nécessiter de «savoir-faire» particulier. Il fut un temps où l'«investissement dans le secteur» était réservé à une élite au bras long. Faux pour faux et arnaque pour arnaque, pourquoi se gêner et se la jouer modeste dans l'auto-attribution des titres ? S'il est vrai que les «règles» veulent que ça fasse vraisemblable, il est aussi vrai que parfois, plus le mensonge est gros, plus il a de chances d'être cru. On s'improvise alors officiers supérieurs de l'armée ou commissaires, bras droit du wali ou chef de cabinet de ministre, directeur du logement ou entrepreneur qui a pignon sur rue. Si on sait que l'escroquerie marche avec les faux titres, c'est parce qu'on sait aussi que ça se pratique à grande échelle chez les vrais. ça marche tellement pour tout le monde que les petits s'y sont mis. Le désespoir est aussi créateur de vocation. Alors, employés de mairie, chauffeurs de dirlo, sous-chefs de services et majordomes ont osé. Plus la crise du logement s'aiguise, plus l'arnaque au logement devient moins problématique. Et personne n'y échappe. On promet le logement social, on prend ses «tchipas» et on disparaît dans la nature. On vend un appartement qui appartient à quelqu'un d'autre à plusieurs «clients», on encaisse les avances ou le prix en entier et on s'éclipse. On se présente promoteur et on présente ses maquettes de logements haut standing, on exige la «première tranche», puis on «oublie le reste de son dû». Le logement est une source inépuisable pour tous les escrocs. Il en sera ainsi jusqu'à ce que la crise s'estompe et ce n'est pas demain la veille que ça va se faire. C'est d'autant plus rentable que c'est très cher. Le vol suit les cours d'un marché régulier, inexistant qui plus est. L'escroquerie, elle, est régulière. Les scandales éclatent sans dissuader. Les «marchands» n'ont pas l'intention de lâcher un marché aussi prospère et souvent sans risque. Les «clients», eux, ne peuvent résister à la tentation. D'abord parce que le désespoir fait faire toutes les folies, ensuite parce que l'accès au logement suit rarement des circuits légaux et transparents. Tout le monde a un voisin, un parent, un voisin d'un parent ou parent d'un voisin qui a obtenu un toit en casquant. L'arnaque au logement est tellement florissante qu'elle attire maintenant, des… investisseurs étrangers, avec une clientèle ciblée : les Algériens établis à l'étranger en mal d'un pied à terre au pays. Le tribunal de Chéraga est en train d'instruire une affaire dans le genre. Une société de promotion immobilière algéro-française a proposé des appartements haut standing à Tipaza à une centaine d'Algériens résidant à l'étranger. La maquette est alléchante et la «première tranche» à verser assez raisonnable : 8000 euros. Depuis que le promoteur a encaissé son «avance», il n'a plus donné signe de vie. Jusqu'à ce qu'il soit découvert à… Tipaza avec un terrain payé par l'argent des «clients» dont on n'a retrouvé aucun nom sur la liste des futurs bénéficiaires du projet lancé par la société en question. Une affaire à suivre, même si elle n'a rien d'original. Parce qu'en plus de la facilité et de la rentabilité, l'arnaque au logement a l'avantage de ne pas être punie avec une rigueur qui soit à la hauteur du préjudice. Quand elle est punie.