Le ministre burkinabé des Affaires étrangères, Djibrill Bassolé, dont le pays conduit la médiation dans la crise malienne, s'est rendu hier dans le nord du Mali pour rencontrer les islamistes armés qui contrôlent la région depuis quatre mois et les communautés locales. Parti en hélicoptère de Ouagadougou, Djibrill Bassolé a commencé cette première visite d'une journée à Gao, ville contrôlée par les islamistes du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), avant une étape à Kidal (nord-est), fief du groupe Ansar Dine (Défenseurs de la religion) dont il a rencontré le chef, Iyad Ag Ghaly. Envoyé par le président burkinabè Blaise Compaoré, médiateur de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao), il est l'émissaire de plus haut rang à se rendre dans le nord du Mali depuis que la région est occupée par ces groupes alliés à al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), qui ont commencé à y appliquer la chari'a (loi islamique). À Gao, Djibrill Bassolé a visité l'hôpital puis a eu une réunion avec des chefs coutumiers et des représentants des communautés locales. Il n'a pas rencontré de personnalité du Mujao, groupe dissident d'Aqmi considéré comme infréquentable par la Cedeao en raison de ses actions terroristes. Il a dit être venu «apporter le message de la paix». «Malgré la gravité de la situation» et les événements «dramatiques» dans la région, «il doit y avoir de la place pour le dialogue», a-t-il avancé, souhaitant obtenir «très rapidement» une «cessation complète des hostilités». Il a annoncé que Blaise Compaoré recevrait «bientôt» les responsables communautaires de la zone à Ouagadougou pour examiner les «pistes de solutions». «Ici, unanimement, on n'est pas pour l'indépendance, on est Maliens», a lancé le porte-parole des communautés de Gao, Mohamed Ould Matali. Il a assuré que les habitants vivaient «en parfaite symbiose avec le Mujao», qui laisse selon lui à la société civile l'essentiel de la gestion de la ville. Les efforts du Mujao pour imposer la chari'a créent pourtant de fortes tensions : dimanche à Gao, des locaux ont empêché les islamistes de couper la main d'un voleur. Djibrill Bassolé s'est rendu ensuite dans la ville de Kidal, où il a été accueilli chaleureusement par Iyad Ag Ghaly, l'un des hommes forts du Nord, en boubou bleu ciel et turban blanc. Le ministre et le chef islamiste se sont retrouvés pour un tête-à-tête. Le Burkina Faso dit vouloir favoriser des discussions directes entre les autorités maliennes de transition et les groupes armés du Nord. Blaise Compaoré a reçu en juin, séparément, des délégations d'Ansar Dine et de la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), depuis plusieurs semaines évincé de la région. Il n'y a jusque-là jamais eu de rencontre officielle entre le pouvoir de Bamako et les nouveaux maîtres du Nord, théâtre de multiples exactions. Cependant, le président du Haut conseil islamique du Mali (HCIM), Mahmoud Dicko, est parti il y a quelques jours discuter avec les islamistes qui veulent imposer la chari'a à tout le Mali mais ne réclament pas l'indépendance du Nord, contrairement au MNLA.