Fidèle à son habitude, Oran ne s'est pas ruée vers les bureaux de vote la matinée. La ville qui avait essuyé la nuit des orages, de la grêle et des rafales de vent s'est prélassée le matin avant de se lever les yeux embués par une nuit d'angoisse : et si la ville avait enregistré des effondrements du vieux bâti ? Dès l'ouverture des bureaux de vote, la population encore affairée à faire ses courses n'a pas afflué pour voter. «C'est connu, le centre-ville ne connaît le rush que tard, quelques minutes seulement avant la fermeture des bureaux. Oran ne vote que l'après-midi», dira un représentant du FLN rencontré dans une école à Es-Seddikia. Et au fur et à mesure que le temps avançait, les appréhensions de certains commençaient à prendre corps. La population n'ira pas voter en masse. Elle semble afficher une indifférence que les états-majors des partis en lice avaient crainte, et qui semble, au fur et à mesure que les aiguilles de la montre avançaient, se confirmer. «C'est de leur faute, ils n'ont pas proposé de nouvelles candidatures. Ils se sont limités à s'engager dans la course avec des vieux chevaux de retour. Le FLN a présenté d'anciens élus honnis par le tout Oran et les autres, ceux qui ont siégé dans l'assemblée sans apporter du nouveau, ont trouvé preneur dans d'autres partis politiques», dira un citoyen rencontré au sortir d'un bureau de vote à Point du jour. Les couacs de l'administration Et alors que les agents scrutateurs et les observateurs des partis politiques commençaient à ressentir la platitude de l'ennui, des citoyens commençaient à rager contre l'administration auteur de plusieurs erreurs sur le fichier électoral. «J'ai fait plusieurs centres de vote pour trouver mon bureau d'affectation et quand je me suis présenté, on n'a pas trouvé mon nom», dira un citoyen qui s'est vu refuser le droit de voter. Un autre avouera avoir subi le même parcours du combattant pour, au final, retrouver son nom, mais «affublé» d'une autre date de naissance. «Ils se sont trompés sur ma date de naissance. C'est une erreur que j'avais signalée lors de la révision exceptionnelle des listes électorales, mais qui n'a apparemment pas été rectifiée. On m'a refusé le droit de voter. Ce n'est pas de ma faute, c'est une responsabilité qu'ils doivent assumer. J'ai voulu assumer mon devoir de citoyen jusqu'au bout, mais ils ne m'ont pas donné l'occasion», dira un Oranais rencontré au sortir du CEM Rahal Abbas. Ce centre de vote est réputé pour être un modèle. Les électeurs y affluent d'habitude à une cadence régulière. «Ici ce n'est pas comme au centre-ville. On vote la matinée, l'après-midi est généralement consacrée au vote des retardataires. Mais pour cette fois, la tendance semble être inversée», fera remarquer un agent communal affecté à l'accueil et l'orientation des citoyens durant ce vote. Premières estimations et premiers grincements de dents Oran compte 1 024 078 électeurs répartis à travers 269 centres de vote et 2149 bureaux. Mais à 10h, les premières estimations faisaient déjà grincer des dents. Des représentants de partis en lice expliquaient la faible affluence par les conditions climatiques. «Il a plu toute la nuit. Vous verrez, avec le retour du soleil, la tendance va changer», dira un représentant du FNL. Ce parti a engagé plusieurs jeunes pour surveiller le déroulement des opérations de vote. «Lors des dernières législatives, on nous avait volé des voix. Pour cette fois, nous sommes mobilisés pour veiller au grain», dira-t-il. Au centre de presse de la wilaya, les confrères accrédités pour la couverture du vote commentent le premier taux de participation. «A 10h, seuls 2,93% des électeurs ont voté pour le renouvellement des Apc et 2,87% pour l'APW, c'est très peu. Lors des dernières législatives, et malgré les appels au boycott, à 10h on avait enregistré un taux de près de 15%, ce n'est pas normal», dira un confrère. Un autre abondera dans le même sens en précisant que ces taux ne reflètent pas la tendance au niveau des bureaux de vote. «Allez faire un tour dans les bureaux, vous verrez que les agents s'ennuient. Ce n'est pas la grosse affluence, les conditions climatiques ne peuvent pas expliquer cette désaffection», fera-t-il remarquer. La faute incombe aux partis politiques Dans un café du centre-ville où se rencontrent les membres de la commission indépendante de wilaya de surveillance des élections locales, les explications vont bon train. Chacun y va de son commentaire pour donner du crédit à son analyse. «Ce sont les partis politiques qui ont mené une campagne électorale sale et ponctuée de coups tordus qui ont poussé les citoyens à l'abstention. Ils portent l'entière responsabilité de cet état de fait», dira un représentant du MSP dans cette instance. Un autre ne manquera pas d'emprunter le même discours pour charger les partis politiques. «Ils promettent la rupture et le changement, mais ils n'hésitent pas à prendre les mêmes pour revenir solliciter la confiance des électeurs. Voyez le FLN, aussi bien le maire que ses adjoints sont candidats. Pire, le maire a même demandé que son portrait ne figure pas sur l'affiche. Ils ont fait beaucoup de mal à la ville, mais cela n'a pas empêché la commission de validation des candidatures du parti de les reprendre, c'est une attitude qualifiée de méprisante par les citoyens oranais», dira le représentant de l'URN. Plusieurs membres de cette commission reconnaissent que l'indifférence affichée par les citoyens trouve son origine dans le comportement des partis politiques en lice. «Ils ont repris les mêmes pour ce vote. Même des élus qui se sont vu refuser la caution de leur formation politique d'origine ont trouvé grâce auprès de nouveaux partis. Prenez le cas de la commune de Bir El Djir. Ceux qui ont dilapidé le foncier et se sont constitués des fortunes sont revenus cette année solliciter un nouveau mandat, ce n'est pas normal», dira un citoyen. Premières passes d'armes entre partis en lice Au niveau de la commission de surveillance des élections, on commençait, vers midi, à évoquer les premiers accrochages entre représentants de partis politiques dans les bureaux de vote. «A El Ançor on a frôlé la fermeture d'un bureau à cause du comportement d'un représentant du FLN qui n'hésitait pas à suggérer aux citoyens de voter pour la liste de son parti. Il a été pris la main dans le sac en train d'orienter le vote des électeurs. Il s'est accroché avec le représentant du MPA et même avec ceux du RND et du FNL», dira un membre de cette commission. Ce dernier évoquera également des problèmes techniques comme des coupures de courant qui ont affecté certains bureaux de vote. «Heureusement que des groupes électrogènes ont été prévus pour parer à ce genre de situation. Il se pourrait que plusieurs bureaux connaissentle même problème avec le mauvais temps qui sévit dans la région», fera remarquer un agent de la wilaya. Mais la tendance générale du vote dans la wilaya, c'est le calme plat. C'est une morne journée de novembre, marquée par un temps maussade et une faible affluence dans les bureaux. A Sidi Chahmi, localité semi-rurale, le maire sortant, qui a choisi une nouvelle monture pour solliciter un nouveau mandat, a fait le forcing ces derniers jours pour gagner des voix. «Mais apparemment, cette fois-ci, les choses ne semblent pas bien rouler pour lui. Il a perdu le soutien des électeurs de sa ‘tribu'. Les habitants ont passé la nuit à patauger dans la boue. J'ai rencontré des habitants massés devant les centres de vote en train d'appeler les gens à ne pas voter.» «Les inondations se sont invitées à la dernière minute pour influer sur la tendance de vote», dira un confrère rencontré dans un café de cette localité qui souffre chaque hiver des inondations.