Zohra Drif Bitat, sénatrice tiers présidentiel : «Hollande veut dépasser l'esprit néocolonialiste» «Il y a une volonté politique pour faire en sorte que les relations entre l'Algérie et la France prennent un tour normal et habituel. Le président Hollande a fait référence au passé de manière très explicite et a manifesté la volonté de l'existence d'un vrai partenariat d'Etat à Etat et que cet esprit néocolonialisme disparaisse dans les relations. Pour moi, mon pays s'est libéré. Nous avons obtenu l'indépendance et nous avons accepté de payer le prix. Maintenant, la colonisation, avec toutes les souffrances qu'elle a engendrées pour la population, est un fait reconnu. Je me réjouis qu'en 1962, nous ayons réalisé un rêve que notre génération pensait qu'il était impossible de réaliser et elle a accepté de payer le prix. L'histoire dira un jour, qu'effectivement, en Algérie, des crimes contre l'humanité ont été perpétrés. La France vient de reconnaître son passé colonial et que la colonisation est une usurpation à un peuple sa liberté et sa dignité. M. Hollande a marqué une volonté de vouloir travailler avec l'Algérie en partenaire égal à égal et de dépasser définitivement cette esprit de néocolonialisme qui a malgré tout marqué les relations. Nous allons donc voir comment vont se développer ses relations entre l'Algérie et la France.» Nouamène Laouar, de l'Alliance de l'Algérie verte (AAV) : «Ce n'est pas toute la vérité» «François Hollande a parlé d'événements et de faits survenus durant la colonisation sans les criminaliser réellement et franchement. Cela constitue une partie de la vérité seulement. Les événements tragiques de Sétif ne sont qu'une partie de cette vérité. La reconnaissance doit passer par la prononciation d'excuses à ce peuple et on ne peut pas mettre le bourreau et la victime sur un pied d'égalité. Après les excuses, il faut aussi indemniser les victimes qui ont souffert des affres du colonialisme sauvage. Lorsqu'on parle d'histoire commune, il faut aussi évoquer la question des archives de l'Algérie et des plans des mines anti-personnel encore implantées sur le sol algérien. C'est en parlant de tous ces aspects et en assainissant l'environnement que l'on pourra développer des relations et évoquer un avenir certain à ces relations.» Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs : «C'est une reconnaissance franche du colonialisme» «François Hollande a fait des pas très importants puisqu'il a reconnu de fait les méfaits du colonialisme et les massacres notamment en faisant référence au 8 Mai 1945. De ce fait, on peut dire que c'est une rupture avec le discours redondant qu'on entendait jusque-là avec les anciens chefs d'Etat français et des diplomates. Il a parlé de vérités qu'il a chargées avec des faits et d'un contenu de reconnaissance et de la responsabilité de la France coloniale. Cela est important du point de vue des rapports apaisés que nous devons construire. La question du Sahel est aussi importante et elle est considérée comme une préoccupation première. M. Hollande parle du colonialisme, du droit des peuples à l'autodétermination et autres. Le Président a fait allusion au rapprochement des positions entre Alger et Paris sur la question mais s'il voulait vraiment gagner le cœur des Algériens, il annoncerait que son pays renonce à toute intervention militaire dans la région car une telle intervention va déstabiliser non seulement toute la région du Sahel, le Mali mais surtout l'Algérie. A ce moment-là, elle hypothéquera même la paix dans la région méditerranéenne.» Tahar Z'biri, moudjahid, sénateur tiers présidentiel : «Nous sommes vainqueurs» «Il y a eu une reconnaissance politique qui reste timide. Hollande a ouvert la porte à une nouvelle étape, mais il reste encore des choses à faire sur le plan de l'histoire. Nous sommes vainqueurs aujourd'hui comme hier. On n'a pas besoin de la repentance, cela va nous complexer. Nous préférons rester comme cela et dire ce que nous pensons en toute liberté. C'est un bon discours mieux que ceux tenus par ceux qui l'ont précédé. La France est soumise aujourd'hui à une grande crise et une forte pression économique.» Mohamed Djemaï, député FLN :«Nous sommes rassurés» «C'est un discours franc fixant les relations d'Etat à Etat. Le Président Hollande a évoqué les principes communs et les moyens de développer les relations dans divers domaines. Nous avons ressenti une véritable volonté pour aborder l'avenir sans oublier le passé porteur de nos valeurs et aspirations. Nous n'avons pas demandé grand-chose à la France plus que la reconnaissance. C'est une étape logique et nous sommes très rassurés après ce discours.» Mustapha Bouchachi, député FFS :«Une sorte de reconnaissance» «François Hollande a eu une sorte de reconnaissance en précisant que le colonialisme a commis des crimes. C'est une avancée sur la question. Nous avons espéré voir et entendre mieux car la reconnaissance est un acte positif et la repentance donnera de la grandeur à une nation comme la France.» Chihab Seddik, député RND :«On veut aller plus loin sur cette question» «C'est un discours qui colle parfaitement avec la conjoncture de la visite. Le Président Hollande a insisté sur le devoir de vérité et de reconnaissance des crimes et a tenté, d'une manière subtile, de glorifier le colonialisme français. Nous allons donc passer à une nouvelle étape dans les relations plus rassurantes et basées sur une coopération positive. Le devoir de mémoire reste toujours présent dans ces relations. Il n'a pas été question de reconnaissance. Ce discours a été bien enveloppé, il n'a pas désavoué le colonialisme et n'a pas franchi un pas vers la reconnaissance des crimes. Nous voulons aller plus loin sur cette question.» Mohamed Baba Ali, député RND :«La solution de la crise au Mali est chez l'Algérie» «Nous refusons et rejetons de façon catégorique et formelle l'intervention militaire au Sahel. Le Mali, pays voisin, traverse une période critique et difficile. Il a besoin du soutien des pays voisins et notamment celui de l'Algérie qui est le seul pays capable d'intervenir pour mettre fin au conflit dans la région. Le peuple malien est un peuple pacifique. Il a besoin de vivre dans la dignité et la liberté et aucune force au monde ne peut lui imposer une solution surtout pas à travers la force militaire que lui rejette aussi. La clé de la crise au Mali est entre les mains de l'Algérie, qui connaît bien ce pays voisin et lui a toujours porté son aide. Il faut continuer le processus de dialogue et de solidarité entamé entre les différentes parties en conflit au Mali et l'Algérie a bien avancé dans cette option et a réalisé des résultats très satisfaisants. La libre circulation des armes depuis la guerre en Libye a compliqué et a fait accélérer les choses. Il ne faut pas porter les doigts accusateurs aux Touaregs seulement mais il faut aussi voir les gros intérêts que représente cette région. Outre la surveillance des frontières, une mission hautement réussie, l'Algérie doit aider davantage les réfugiés maliens installés sur ses frontières en les dotant de plus de moyens et en intensifiant la présence des organisations humanitaires sur les différents sites. Pour lui, le moment est propice pour la société civile malienne et les chefs de tribus de prendre les choses en main pour nettoyer leur territoire des intrus.» Propos recueillis par Nouria Bourihane