Le ministre du Commerce, M. Mustapha Benbada, ne nous dit pas comment il va faire pour que le prix du pain n'augmente pas, mais il nous rassure quand même. Il nous dit même qu'«il n'en a jamais été question». Mais pourquoi nous en parle-t-il si la question n'était pas «à l'ordre du jour», pour reprendre la formule désormais consacrée par… la langue de bois ? On sait que les… boulangers ont parlé, ils sont même en colère, mais M. Benbada, sur «l'essentiel», ne perd jamais le nord. Il parle d'abord aux millions d'Algériens que la cherté de la baguette guette, et c'est dans la foulée, comme s'il ne le faisait pas exprès, qu'il évoque «certaines préoccupations légitimes des boulangers» qu'il «s'engage d'ailleurs à étudier et satisfaire dans les meilleurs délais». Il était plus urgent pour lui de nous «rassurer» que de s'encombrer de «détails» sans importance, mais il nous donne quand même une idée. Des préoccupations, les boulangers doivent en avoir beaucoup, comme tout le monde, mais sur cette question aussi, M. Benbada sait aussi aller à l'essentiel. Le prix de la baguette ne doit pas augmenter mais il faut quand même «donner quelque chose» à ces boulangers qui menacent cycliquement de débrayer. C'est sérieux, un débrayage de boulangers. Ils sont de moins en moins nombreux parce que les gâteaux rapportent plus avec la farine, le lait et l'huile subventionnés, mais la perspective de journées sans pain fait peur à tout le monde. Ils savent leurs «capacités de nuisance» et la baguette rare ou carrément absente est encore plus redoutable que sa cherté. M. Benbada nous dit alors qu'il faut revoir la marge de bénéfice des boulangers. Actuellement de 3%, le ministre du Commerce suggère qu'elle soit portée à environ 10%. La baguette va rester donc à son prix mais les boulangers auront plus de 200% d'augmentation de bénéfice ! Comment ? C'est facile, en baissant les taxes ! C'est toujours comme ça dans ce pays. On ne nous explique rien et quand on veut bien nous… expliquer quelque chose, il ne faut pas y attendre quelque logique. A commencer peut-être par cette «assurance» : «Le prix du pain n'augmentera pas en 2013, il n'en a jamais été question» ! Le ciel peut donc tomber et la baguette gardera son prix. Parce qu'il n'est pas question de toucher aux subventions, une injustice sociale et une aberration économique, le smigard et le milliardaire continueront à payer le pain et le lait au même prix faute d'imagination et de volonté qui envisagerait une forme de solidarité efficace et équitable avec les plus faibles. Le pain n'augmentera pas, c'est ainsi. Comme les salaires d'ailleurs, quand ils viennent à être «revalorisés». Ce n'est jamais en rapport avec la productivité, ce n'est jamais en rapport avec l'entreprise. Il faut sauver le moment de la tourmente sociale et de la contestation qu'elle peut produire, le reste peut attendre.