Pour revendiquer un transport scolaire, des lycéens de Timezrit, dans la wilaya de Boumerdès, ont fermé le chemin de wilaya qui relie leur localité aux Issers où se trouve leur établissement. Comme toutes les colères intenables organisées, la protestation des lycéens du village Aït Dahmane a réuni toute la panoplie de l'émeute «classique» : route barrée, pneus brûlés, menaces de mettre le feu au parc de véhicules de la commune… Notre correspondant local nous rapporte que cela fait vingt jours que ces élèves rejoignent leur lycée par leurs propres moyens, après une panne survenue au bus communal qui les transportait. Et il ne doit pas être bien difficile de deviner «leurs propres moyens» : se bousculer avec les autres voyageurs pour tenter de trouver des places dans les «fourgons» et autres minibus du coin. Une ponctualité chimérique, un effort physique insoutenable et un prix douloureux pour la majorité d'entre eux. Selon l'un des jeunes protestataires qui se confiait à notre collègue, cela leur coûtait 80 dinars quotidiennement. La situation était donc tellement pénible pour ces lycéens et leurs parents que les transporteurs privés de la localité qui, comme leurs collègues du reste du pays, ne doivent pas avoir la réputation de généreux philanthropes, se sont proposés pour les tranporter gratuitement si l'APC daignait… leur donner des bons de carburant jusqu'à réparation du bus en panne ! Pendant ce temps, à une cinquantaine de kilomètres de là, à Dellys plus précisément, des lycéennes sont à leur troisième jour de boycott des cours en raison de l'absence de chauffage et d'eau dans leur internat. N'en pouvant plus de geler de froid et de ne pas pouvoir se laver et… boire, les filles du lycée des Frères-Drif n'ont pas eu d'autre choix que de débrayer pour pouvoir rester chez elles. A Timezrit, à Dellys et ailleurs, l'école se détériore au point de ne plus assurer le minimum vital à des élèves déjà orphelins de ce qu'ils vont y chercher : le savoir. Cela fait une décennie qu'on promet le transport scolaire, une cantine pour chaque école et des conditions générales de scolarité «humaines», on ne voit pas venir grand-chose. Sinon, on se serait passé de ces spectacles récurrents de lycéens poussés à l'émeute, de lycéennes contraintes de rester sous la couette pour ne pas attraper la crève et autres images du genre. Alors que se multiplient les situations les plus inimaginables pour les écoles d'un pays financièrement prospère, le ministère de l'Education convoque tout son beau monde pour une «évaluation» de la réforme du «secteur». ça aurait pu commencer par un plat de lentilles chaudes pour tous les élèves des écoles, de la «flotte» et des bus, voilà qu'on ne le fait même pas dans l'attente du diagnostic ! On en avait pourtant besoin, mais on se donne l'ordre des urgences qu'on veut bien se donner. Normal, le ministre de l'Education nous avait bien «rassurés» qu'il n'était pas question de toucher à la réforme de son prédécesseur qui, comme tout le monde doit le savoir, est un exemple de réussite. Il reste donc quelques «aspects négatifs» à corriger et le tour est joué. Des «aspects négatifs» tellement insignifiants que les enfants peuvent attendre le peu de temps que nécessite leur prise en charge. Sans transport, sans chauffage, sans cantine et même sans eau.