L'Algérie avait "abattu le mur de la peur" en nationalisant quelques années après son indépendance ses hydrocarbures, ouvrant la voie à la liquidation de l'ancien régime des concessions, estime samedi l'expert international en énergie, Nicolas Sarkis. "En abattant ce redoutable mur de la peur, les nationalisations algériennes de 1971 ont complètement changé la donne en ouvrant la voie à la liquidation de l'ancien régime des concessions, à travers les nationalisations en Libye, en Irak et en Syrie, ainsi que la prise de contrôle des sociétés concessionnaires dans les pays arabes du Golfe", a-t-il déclaré dans un entretien accordé à l'APS à la veille du 42e anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures. Pour l'ancien directeur du Centre arabe d'études pétrolières et de la revue "Pétrole et gaz arabes", les mesures de nationalisation de l'industrie des hydrocarbures en Algérie ont marqué un "tournant capital" dans l'histoire de l'industrie pétrolière et gazière mondiale. "Le quasi-échec de la nationalisation du pétrole iranien près de vingt ans auparavant, le renversement du Premier ministre iranien Mohammed Mossadegh et l'assassinat de son ministre des Affaires étrangères, Hossein Fatemi, avaient tétanisé l'ensemble des pays nouvellement indépendants et rendu le mot + nationalisation+ du pétrole synonyme de suicide politique et physique", a-t-il rappelé. Le mérite de l'Algérie, a ajouté l'expert en énergie, est d'autant "plus grand" qu'elle était alors un tout nouveau venu parmi les pays exportateurs, avec une indépendance politique acquise en 1962, et une société nationale, Sonatrach, qui n'avait encore que six ans. Selon lui, ce rôle de pionnier, l'Algérie l'a également assumé dans le domaine de la maximisation du revenu par baril exporté, moyennant un accroissement des prix et un ajustement de la fiscalité. Sarkis a, par ailleurs, estimé que l'Algérie gagnerait à opérer un "arbitrage" entre, d'une part, la nécessité d'exporter suffisamment de pétrole et de gaz pour financer son développement et couvrir ses dépenses courantes et, d'autre part, la nécessité non moins impérieuse de prolonger, autant que faire se peut, la vie de ses gisements et assurer les besoins de consommation des générations futures. "C'est une vérité de la Palice que de dire que le pétrole est une ressource naturelle qui devient et qui sera de plus en plus rare et de plus en plus chère, et qu'il vaut mieux la conserver sous terre comme un actif et un matelas de sécurité, que de la transformer en avoirs financiers qui, au mieux, sont rongés par l'inflation", a-t-il souligné, relevant que le risque est d'autant "plus redoutable" que les hydrocarbures en Algérie, qui couvraient il y a une quarantaine d'années près des deux tiers des exportations, en représentent aujourd'hui pas moins de 97-98%.