L'Office central de répression de la corruption (OCRC), devenu opérationnel dimanche, constitue un nouveau jalon dans la mise en place et le renforcement des instruments de lutte contre la corruption en Algérie, un fléau ancien mais qui connaît une ampleur exceptionnelle, selon les aveux de l'office lui même. "En tant que magistrat, je connaît les affaires de corruption depuis plus de 30 ans. Je pense que ce fléau a pris une ampleur jamais égalée, vu le nombre et le préjudice dans chaque dossier", a reconnu le directeur général de l'office M. Abdelmalek Sayah devant des journalistes à l'issue de la cérémonie d'inauguration du siège de l'OCRC. Dès lors et dans un contexte marqué par des scandales de corruption touchant même des compagnies publiques stratégiques, le rôle d'une telle institution s'avère plus qu'utile en Algérie. "La corruption est avérée....on est justement là pour remédier à ce problème. Les textes existent, les moyens existent et la volonté politique existe...il faut donc être serein sur cette question", a lâché M. Abdelmalek Sayah. Le ministre des Finances Karim Djoudi, qui a assisté à l'inauguration du siège, a reconnu que la corruption représente un "crime préjudiciable qui ronge l'économie nationale" et qui nécessite le développement de nouveaux mécanismes de répression, d'où l'importance de l'OCRC. Il a surtout réitéré la détermination des hautes autorités algériennes, et à leur tête le président de la République, à mener une lutte sans merci contre la corruption dans toutes ses formes, une lutte "permanente et non pas conjoncturelle", a-t-il souligné. Le président Bouteflika avait appelé les magistrats, à plus d'une occasion, à appliquer la loi dans toute sa rigueur dans la lutte contre la corruption et contre toutes les autres formes de crimes et délits financiers. La création de l'OCRC a été d'ailleurs décidée dans le cadre de l'application d'une directive présidentielle, en décembre 2009, relative à la dynamisation de la lutte contre la corruption. L'entrée en activité de l'OCRC est une "réponse à l'opinion publique nationale et internationale et une preuve que l'Etat algérien est déterminé à combattre la corruption", a insisté le premier argentier du pays en se disant confiant quant à "la capacité de l'office à traiter les dossiers (de suspicion de corruption) avec rigueur et professionnalisme". Mais pour réussir un tel challenge, les citoyens et les responsables à tous les niveaux doivent être "vigilants" pour pouvoir dénoncer tout dépassement touchant à l'argent public, a-t-il enfin recommandé. L'OCRC, composé d'officiers de police judiciaire, de magistrats, de greffiers et de représentants de plusieurs autres administrations, est régi par le décret présidentiel du 8 décembre 2011 ainsi que par la loi de lutte contre la corruption de 2006. Il est chargé de la collecte, la centralisation et l'exploitation de toute information relevant de son champ de compétence, la conduite des enquêtes et la recherche des preuves sur les faits notamment des "grandes affaires" de corruption et la présentation de leurs auteurs devant le parquet. Il vise, en coopération avec les organismes similaires, à assurer une action "coordonnée et complémentaire" en matière de sécurité financière à travers une coordination renforcée avec les autres organes de contrôle, tels que la Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF), l'Inspection générale des finances (IGF) et les Commissions nationales des marchés. Administrativement rattaché au ministère des Finances, l'office peut recourir à l'auto-saisine en exploitant les informations rapportées par la presse ou par d'autres sources comme il peut être saisi par l'IGF, la CTRF, les services de police ou les simples citoyens. Les inspecteurs de l'IGF seront mis à la disposition de l'office Afin de maximiser l'efficacité des investigations qui seront menées par l'OCRC, l'inspection générale des finances (IGF) mettra ses inspecteurs à la disposition de l'office, a indiqué à l'APS le chef de l'Inspection, M. Djahdou Mohamed. "Nos relations avec l'office vont être très denses dans la mesure où nous sommes tous les deux sous tutelle du ministère des Finances. Nous allons mettre nos inspecteurs à la disposition de l'office en plus de l'échange d'informations et de bases de données", a-t-il dit en marge de la cérémonie d'inauguration. Se disant "optimiste" quant à l'efficacité de la lutte contre la corruption en Algérie, M. Djahdou a rappelé que les actions de l'IGF ont été renforcées à travers l'élargissement de son champ d'intervention à l'ensemble des institutions y compris les EPE. Dans un souci de préserver les deniers publics et renforcer la lutte contre la corruption, l'Algérie s'est dotée ces dernières années d'une législation des plus sévères dans ce domaine ainsi que de plusieurs mécanismes de prévention et de lutte contre ce fléau qui gangrène l'économie algérienne, selon les parlementaires et les analystes. La loi relative à la prévention et la lutte contre la corruption de 2006, s'inspirant de la convention de l'ONU adoptée en 2003 et que l'Algérie avait ratifiée, a été ainsi révisée en août 2010 pour renforcer les actions dans ce domaine. Plusieurs lois en relation avec la gestion des deniers publics ont été également révisée, comme la loi sur la monnaie et le crédit, la loi portant répression de l'infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux vers l'étranger, la loi contre le blanchiment d'argent et la lutte contre le terrorisme ainsi que le code des marchés publics. Le renforcement de la Cour des comptes et du contrôle au sein du ministère des Finances figurent également parmi les mesures prises dans la même perspective. Mais la législation en matière de lutte contre la corruption sera renforcée davantage pour protéger les dénonciateurs des affaires de corruption, les témoins et les victimes dans de tels cas, selon les affirmations du ministre de la Justice. "Nous allons combattre se fléau avec plus de fermeté afin que personne ne songe à profiter en toute quiétude des fonds extorqués, des fonds qui appartiennent au peuple algérien et qu'il doit récupérer tôt ou tard", avait affirmé M. Mohamed Charfi en décembre dernier.