Les dirigeants européens qui avaient eu affaire à l'ex-Premier ministre britannique des années 80 la décrivaient dure comme fer. Son surnom de Dame de fer, Margaret Thatcher l´a bien mérité. D'abord pour ses positions tranchées sur l´Europe qui ont inspiré bien des femmes politiques qui, à l'image de la chancelière allemande Angela Merkel, jouent aujourd´hui les premiers rôles en Europe et dans le monde. François Mitterrand et Jacques Chirac ont appris de la nature inflexible de Mme Thatcher plus que Nicolas Sarkozy et François Hollande n´en ont appris de Mme Merkel. Si le Royaume-Uni n´est pas dans l'espace Schengen et garde toujours sa livre sterling, c'est parce que Margaret Thatcher en avait décidé ainsi. Si, aujourd´hui, David Cameron n´écarte pas la possibilité de consulter les Britanniques sur leur sortie de l´Union européenne, c´est sans doute parce que l'«euroscepticisme» de la défunte a hanté et hante toujours ses successeurs, qu´ils soient conservateurs ou travaillistes. De Tony Blair à David Cameron. On ne peut pas dire que Margaret Thatcher est eurosceptique par nature. L'état des lieux de l´Union européenne, la fragilité du projet commun mis en place en 2010 par le Traité de Lisbonne, de ses institutions et de ses piliers, la libre circulation des personnes et la monnaie unique, et pour couronner le tout le cafouillage financier de Chypre lui donnent certainement raison d´avoir été inflexible. Souvent «seule contre tous». La rigueur budgétaire était sa seconde nature. C'est elle qui a sacrifié l'industrie pour la finance et l´Europe pour les Etats-Unis. Le cœur du Royaume-Uni a pris du rythme sous ses deux mandats. Un Royaume-Uni plus tourné vers l´Amérique que vers le vieux continent qui s'élargit sans cesse vers l´Est. Inflexible, elle l'a été surtout dans son combat contre les indépendantistes irlandais. Elle a laissé mourir sans état d´âme l´un des principaux dirigeants de premier plan de ce mouvement après 55 jours de grève de la faim. Elle est restée sourde aux appels à la clémence émanant du monde entier, renvoyant toujours cette image de froideur qui lui collait à la peau. Au même moment, un fait divers la fera craquer : la disparition en 1982 de son fils en plein désert algérien pendant le Rallye Paris-Alger-Dakar. Elle appellera Mohamed Benahmed Abdelghani, le Premier ministre de Chadli Bendjedid, tout le temps que dureront les recherches. Les séparatistes irlandais lancent un appel au gouvernement algérien pour «laisser mourir» sa progéniture. Enfin, la bonne nouvelle tombe sur le fil de l´APS. Un pilote de l´aéroport militaire de Boufarik a aperçu une petite tente blanche en plein désert qu'il survolera à basse altitude, à deux reprises, pour signifier à son seul occupant qu'il avait bien été repéré et que les secours n'allaient pas tarder. Ce fut la seule fois, peut-on dire, où la Dame de fer a cédé au sentiment. Depuis son retrait de la vie politique, elle ne fera plus la «une» des médias. Pas même le plus petit des articles. A l´approche de sa mort, on s´est rappelé que Margaret Thatcher a occupé une place qu´aucune autre n´a encore occupée. Fille de boulanger, elle s´est faite seule dans le monde de la politique, des lords et des aristocrates.