Mohamed Morsi, élu président en juin 2012, le premier à l´avoir été démocratiquement dans l´histoire de l´Egypte, a terminé sa première année de pouvoir dans l´échec le plus total. L´économie tourne au ralenti, son principal moteur, le tourisme, est en panne, et la vie sociale de millions d´Egyptiens, déjà lamentable sous le dictateur Hosni Moubarak, s´est dégradée comme jamais auparavant. Seule la politique a connu un coup d´accélérateur mais dans le sens opposé à l´ouverture démocratique, réclamée par le courant laïque qui est sorti, hier, dans les rues des grandes villes manifester sa colère. D´ailleurs, y a-t-il en Egypte un autre espace pour se faire entendre que la place Tahrir. Sitôt confortablement installé dans ses fonctions, cet ingénieur qui a fait les meilleures écoles du «Monde libre», aux Etats-Unis, a vite fait de tenir à ses compatriotes la promesse faite aux Algériens, en 1991, par ses amis Abassi Madani et Ali Belhadj. «Voter une seule fois et pour la dernière fois.» Morsi a commis une grave erreur, fatale même, d´avoir tenté de verrouiller légalement le jeu démocratique, en faisant voter, en 2012, une Constitution sur mesure pour le parti des Frères musulmans, courant radical qui s´est autoproclamé sous le vocable pompeux de Parti de la Liberté et de la Justice. Des valeurs démocratiques universelles dans lesquelles ne s´inscrivent pas les intégristes. Des centaines de milliers d´Egyptiens convergeaient encore, hier en fin d'après-midi, vers la Place Tahrir et les centres urbains des principales villes du pays pour exiger, sans trop y croire, le départ de Mohamed Morsi. «Irhal» (dégage) ce slogan qui a poussé à la porte les Moubarak et Ben Ali n´avait plus toutefois le même sens, ni la même force qu´il y a un an, pour un certain nombre de raisons. Le courant laïc sait que Morsi a été élu et non pas coopté. Pour qu´íl le fasse « dégager » et mettre un terme à sa tentation du pouvoir absolu, les démocrates auraient dû commencer par unifier leurs rangs. Exactement comme l´ont fait les Frères musulmans en Egypte ou Ennahda en Tunisie. Or c´est tout le contraire qui a été constaté sur le terrain politique. Des partis démocratiques en surnombre, des divisions et des affrontements pour le leadership lorsque les islamistes, eux, resserrent les rangs derrière leurs leader. Les Egyptiens paient, aujourd´hui, le prix fort, pour avoir avancé en ordre dispersé. Ce qui a été valable pour l´Algérie en 1992 l´est aujourd´hui en Tunisie et en Egypte. Pour n´avoir pas su unifier ses rangs, le courant démocratique égyptien aura, tout compte fait, consolidé la position des islamistes fondamentalistes qui, eux aussi, se mobilisaient hier derrière leur leader. C´est, comme l´écrivait un confrère, « l´Egypte des démocrates face à l´Egypte des Frères musulmans ». Entre ces deux courants inconciliables, il y avait l´armée, plus omniprésente que jamais dans les rues du Caire, d´Alexandrie ou de Port Saïd et d´Ismaïlia. Ils n´étaient pas rares ceux qui, en silence, minoritaires ou pas, commençaient à regretter le dictateur Moubarak, profile de président sur mesure fabriqué à Camp David. Voilà un an Morsi avait promis de faire de l´Egyptien un citoyen, parce que, c´est vrai, sous Moubarak il n´y avait pas de citoyens à proprement parler. Sous le chef des Frères musulmans, la qualité de citoyen n´a pas plus de sens pour les Egyptiens.