Le pape François effectue lundi à Lampedusa une visite sans précédent pour "pleurer" la mort de centaines de migrants venus d'Afrique du nord qui avaient tenté de traverser la Méditerranée en quête d'une vie meilleure. De façon très sobre, l'ex-archevêque de Buenos Aires jettera une couronne de fleurs à la mer et présidera une messe en hommage aux victimes, muni d'une croix faite de débris des embarcations de fortune des migrants. Le pape se rendra aussi sur le quai du port où les réfugiés sont conduits après des périples exténuants depuis la Libye ou la Tunisie, qui ont en fait souvent commencé dans des zones déshéritées ou ravagées par des conflits d'Afrique (Somalie, Ethiopie) et du Moyen Orient (Irak, Syrie, Afghanistan). Lampedusa est plus proche des côtes nord-africaines situées à environ 100 km que du reste de la Sicile (à plus de 200 km). Le pape se rend à Lampedusa "pour pleurer les morts", a expliqué son secrétaire le père Alfred Xuereb, à propos du premier voyage de Jorge Bergoglio hors de Rome depuis son élection le 13 mars. La visite du pape sera brève avec une arrivée prévue vers 7H15 GMT et un départ pour Rome dès 10H45 GMT. Une cinquantaine de migrants dont certains de religion musulmane s'entretiendront avec le pape argentin, connu dans son pays pour son attention pour les plus déshérités. "Le reste de l'Italie et l'Europe doivent nous aider", a plaidé Mme Giusi Nicolini, maire de gauche de Lampedusa, à propos de l'afflux renouvelé de migrants et réfugiés à Lampedusa. Les autorités ont encore secouru dimanche une centaine de migrants à la dérive devant les côtes siciliennes. Le curé de Lampedusa, le père Stefano Nastasi, à l'origine de la venue du pape, a souligné que la messe serait célébrée dans le petit stade local où furent accueillis à un certain moment les migrants "dont personne ne voulait ni en Italie ni dans le reste de l'Europe". En 2011, avec les printemps arabes, près de 50.000 migrants et réfugiés avait déferlé sur Lampedusa, pour moitié en provenance de Libye et pour l'autre de Tunisie. Les autorités locales et nationales s'étaient retrouvées complètement débordées par ces débarquements massifs. Le pape rencontrera aussi la population locale, une tranquille communauté de 6.000 habitants qui vit de la pêche et du tourisme et n'a jamais refusé son aide aux migrants épuisés. Pour la logistique sur cette île de seulement 20 km2, un habitant a mis à disposition une Fiat décapotable qui fera office de "papamobile". Le Vatican a en revanche refusé que des représentants politiques, y compris le ministre de l'Intérieur qui en avait fait la requête, accompagnent le pape dans sa visite. L'objectif de François est de sensibiliser les opinions au sort des milliers de migrants et d'encourager les pays d'accueil à leur fournir leur protection et à garantir leurs droits. Ces dernières semaines, à la faveur de bonnes conditions météorologiques, le nombre de migrants a connu une nouvelle poussée à Lampedusa, portant le total à 4.000 arrivées au premier semestre, trois fois plus que sur la même période de 2012. Selon des estimations, depuis 1999, plus de 200.000 migrants ont transité par Lampedusa devenue avec la frontière gréco-turque le principal point d'entrée dans l'Union européenne. Pour Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté caritative Saint-Egidio, la visite du pape montre que "l'Eglise des pauvres regarde vers le Sud". Alors que pour le quotidien Il Giornale (droite), appartenant à la famille Berlusconi, ce voyage "légitimise l'immigration illégale". Selon le Haut commissariat aux réfugiés (HCR), environ 40 personnes ont péri depuis le début de l'année, la plupart par noyade, en essayant de gagner l'Italie depuis l'Afrique du nord, contre 500 l'année précédente. Les migrants arrivant en Italie sont en majorité originaires d'Erythrée et Somalie mais viennent aussi d'Afghanistan, Egypte, Gambie, Mali, Pakistan et Syrie, selon le HCR. A Lampedusa, ils sont initialement accueillis dans un petit centre, souvent critiqué comme surpeuplé et ne respectant pas des conditions minimales d'hygiène. Ensuite, ils sont transférés par ferry soit vers un centre de rétention administrative avant leur rapatriement, soit vers un centre pour demandeurs d'asile.